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Steve Jobs : pourquoi le film se concentre sur seulement trois keynotes

Une vie riche comme celle de Steve Jobs est difficile à résumer en trois actes, surtout quand ce sont trois lancements de produits. Pour autant, en faisant ce choix, le scénariste Aaron Sorkin a visé juste. Voilà pourquoi.

Visionnaire, héros d’une contre-culture technologique devenue culture de masse, personnage complexe et ambigu, riche de ses failles et de ses échecs, capable de porter un message et une idée au point de la faire miroiter, séduisante, aux yeux de tous, Steve Jobs était assurément un homme hors du commun, qu’on lui attribue des épithètes orduriers ou ébahis.

Un film en trois étapes

Après quelques atermoiements et ratés, Steve Jobs est finalement sorti le 9 octobre dernier aux Etats-Unis, soit presque quatre ans jour pour jour après la mort du cofondateur d’Apple. Il sortira le 3 février en France.

Son réputé scénariste Aaron Sorkin a utilisé la biographie autorisée de Walter Isaacson comme base de travail. Mais au lieu de raconter l’histoire de Jobs de sa naissance jusqu’à son dernier souffle en passant par les différentes grandes étapes de sa vie, Aaron Sorkin a décidé de placer son regard en coulisses. Là où les derniers détails se jouent, dans les minutes stressantes et historiques qui ont précédé trois lancements de produits. Trois keynotes essentielles qui nous racontent l’introduction du premier Macintosh en 1984, celle du NeXTCube, et enfin l’arrivée de l’iMac.

En trois grandes étapes, Aaron Sorkin nous laisse également entrapercevoir des pans de sa vie intime, dessinant ainsi les contours du personnage public et de l’homme privé.

On pourrait trouver dommage de passer sous silence l’Apple I et II, le développement du Lisa, l’éviction de Steve Jobs de l’entreprise qu’il avait cofondé, et puis, plus tard, l’iPod, les Powerbook, l’iPhone et enfin l’iPad, dernier grand produit qu’il a lancé. On pourrait se plaindre de cette absence d’exhaustivité, mais Aaron Sorkin a vu juste. 

Macintosh, la reconnaissance et le rejet

Un succès de sept ans : l’Apple II et son modèle ouvert porte Apple depuis sa sortie. Evincé du projet Lisa, Steve Jobs mise tout sur le Macintosh, un ordinateur révolutionnaire, simple d’utilisation, à l’interface graphique innovante… mais fermé par bien des aspects, déjà. Il n’est pas évolutif à cause d’un faible nombre de ports d’extension et n’intègre que peu de mémoire.

Le Mac rend Steve Jobs célèbre dans le monde entier mais incarne aussi son obsession du contrôle de bout en bout, que le fondateur d’Apple va défendre toute sa vie.

Les ventes que le jeune cofondateur d’Apple imaginait voir décoller jusqu’au million d’unités en quelques semaines peinent à prendre le large. Au point que John Sculley, le patron d’Apple, le lâche. Steve Jobs est viré, rendant anachronique cette formule de Sculley « Apple a un seul chef : Steve et moi ».

La première ère Steve jobs à la tête d’Apple se termine. Mais tout ce qui fera son succès futur et ses éventuelles erreurs est déjà là : sa vision du monde, sa capacité à porter un projet mais aussi ses travers, sa quête déraisonnée de la perfection, son incapacité à accepter le point de vue des autres et son aspect tyrannique…

Même si cette tyrannie canalisée en exigence extrême a également ses vertus. Pour toutes ces raisons et parce que le produit est une icône désormais, le Macintosh est le point de départ qu’il fallait retenir dans le film.

NeXT Computer, le chemin de croix et la rédemption

Alexander Schaelss – CC A-SA 3.0

NeXT a-t-il été un long et douloureux exil, nourri par la volonté de revenir au sein d’Apple et de faire ses preuves, ou la période « la plus créative de sa vie », selon ce qu’il a confié bien plus tard à Walter Isaacson ? Peut-être les deux.

En tout cas, viré d’Apple, Steve jobs injecte 7 millions de sa fortune personnelle dans l’aventure NeXT, s’attire le courroux d’Apple en débauchant quelques-uns de ses meilleurs ingénieurs et veut révolutionner une fois encore l’informatique et l’éducation avec ses « boîtes noires ». Si les stations NeXT sont très performantes et bien équipées, elles sont bien trop coûteuses pour rencontrer le succès. Au total, moins de 50 000 unités seront vendues. L’une d’elle servira toutefois à Tim Berners-Lee à… inventer le Web.

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que ces stations de travail sont les descendants d’un projet lancé chez Apple et tué après le départ de Steve Jobs, le projet d’une machine puissante qui proposerait l’interface graphique du Macintosh et devait tourner… sous Unix. Son nom de code:  Big Mac.

En 1993, NeXT abandonne la conception et la vente de machines pour se concentrer sur la production de logiciels. Et là encore, le choix n’est pas anodin. Parmi ces outils, on trouve notamment WebObjects, un système de développement d’applications Web…

Nous sommes en 1996 et une fois encore Steve Jobs a senti le vent de l’histoire. Pendant cette pause loin d’Apple, Steve Jobs a appris ce qui lui manquait. Il s’est frotté à la réalité de la direction d’entreprise, il a enrichi la palette de ses talents et a peut-être appris un peu l’humilité. Et comme un fait exprès, la période NeXT a été celle qui lui a permis de revenir sur le devant de la scène.

En 1985, alors qu’il venait juste de lancer NeXT, Steve Jobs confiait à Regis McKenna  -un des gourous qui a présidé à la création de l’aura de la marque à la pomme- que sa nouvelle aventure pourrait un jour peut-être apporter beaucoup à Apple. Sans doute NeXT allait-elle développer une technologie, un nouveau produit qui pourrait intéresser la Pomme et renforcer sa position. Alors, la firme de Cupertino rachèterait NeXT !

Ce qui arriva 11 ans plus tard. Pour tout cela, et pour ce symbole du creux de la vague, NeXT était obligatoirement le deuxième rendez-vous à retenir.

iMac, le premier pas vers le triomphe

Steve Jobs revient en sauveur quand Apple rachète NeXT à la fin 1996. Jobs fait sa révolution : il se débarrasse d’abord d’Amelio, le PDG à la tête d’Apple, et assure, contre toute attente, la collaboration et un investissement massif de Microsoft.

Il sauve ainsi Apple qui était au bord du gouffre financier. Puis en tant que iCEO, PDG par interim, il se lance dans un nettoyage des gammes de produits. En travaillant avec Jonathan Ive, il retravaille l’identité graphique des produits de la marque, pour qu’ils se distinguent des tours grises ou beiges. En parallèle, il s’attèle à réaffirmer l’identité d’Apple, via une vaste campagne publicitaire, qui aboutit au célèbre Think Different.

L’iMac est le point d’orgue de cette renaissance, son symbole. L’iMac est le hub multimédia qui va évoluer au fil des années et devenir le centre d’une galaxie de produits et de services signés par la firme de Cupertino. Sans iMac, pas d’iTunes Music Store, pas d’iPod, pourrait-on dire en forçant le trait.

L’iMac clôt le film écrit par Aaron Sorokin mais marque l’An I d’une nouvelle ère pour Apple. Un âge nouveau, plus riche que les précédents, qui s’est terminé de la plus triste des manières le 5 octobre 2011.

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Pierre FONTAINE