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Space Channel 5 – Avis Express

Ulala qu’elle s’appelle, l’héroïne de ce jeu kitsch à souhait. Ce n’est pas par hasard. La Dreamcast accueille sa première poupée virtuelle. A mettre sur une étagère pour les jours de fête.

Comme le cinéma dans les années 40 et 50, les jeux vidéo sont sans doute en train de traverser un âge d’or de la ” comédie musicale “. Cette fois le phénomène ne vient pas des Etats-Unis mais du Japon. C’est au pays du karaoké qu’est né et se propage une lignée de jeux vidéo musicaux au succès incompréhensible ici. L’occident ne reçoit qu’une partie émergée d’un iceberg musical, d’une multitudes de titres qui se retrouvent en arcade comme dans les foyers. Space Channel 5 est un de ces titres assez sexy pour arriver jusqu’à nous, en Europe. Qu’il se vende ou pas, ce jeu est une formidable image de marque pour Sega. En chair ou en virtuel, l’icône féminine du jeu représente la Dreamcast avec légèreté depuis l’E3 américain en mai dernier. Ses couettes de fillette, ses semelles compensées et sa courte jupe en vinyle orange sont immanquables, et si tendance japonaise. Ulala qu’elle s’appelle. On comprend vite pourquoi. Vous avez vu nos photos (Reportages E3 et ECTS)… Space Channel 5 est donc un jeu musical et cela demande aussitôt quelques explications. En appuyant en rythme sur les boutons de la manette Dreamcast, le joueur doit reproduire les pas de danse des personnages à l’écran. Une fois exprimé, le concept se révèle simple, et l’apprentissage quasi instantané. Le principe a même déjà été exploité auparavant sur Playstation (Bust a Move Dancing 1 et 2). C’est sans doute pourquoi Space Channel s’autorise une approche moins didactique. Fini les symboles à l’écran pour dicter les boutons à presser, tout se joue dorénavant à l’oreille. Une voix off explique en deux mots les enjeux, la méthode, et c’est parti pour une succession d’injonctions qu’il faut ensuite répéter fidèlement. Au rythme près. C’est donc à la portée de tous ceux qui ont la chance d’avoir l’ouïe qui fonctionne. Ça laissera sans ménagement sur le carreau ceux qui n’ont pas le sens du rythme. Et là, c’est hélas révélateur. La ségrégation entre ceux à même de suivre un rythme et ceux qui en sont incapables est immédiate. Cette faculté là est instinctive, quand on l’a il est possible de la développer, quand on ne l’a pas il est quasiment impossible de l’acquérir, même avec beaucoup de travail. Un don qui n’a rien à voir avec les jeux vidéo mais qui devient pourtant un critère de sélection pour jouer à des jeux musicaux ou, en tous cas, avancer dans le jeu. “Les blancs n’ont pas le sens du rythme” ose un proverbe moderne et revanchard qui va se vérifier beaucoup plus vite sur la piste de danse de Space Channel 5 que dans l’obscurité de votre boite de nuit préférée. Le scénario prétexte est aussi kitsch que la tenue d’Ulala. Les “vilains” extraterrestres en train d’envahir la Terre et ses dépendances (Station Orbitale), hypnotisent les humains pour les obliger à danser jusqu’à plus soif (“on achève bien les chevaux*”). La chaîne de télévision Space Channel 5 envoie son reporter de charme pour défier les Morolians culottés (et antennés). Ulala part donc en chasse des E.T. pour les défier à coup de pas de danse. Armée de son seul micro et d’un bagout naturel, l’animatrice chic et choc est suivie par les caméras de télévision de SC5 et le critère d’élimination est, comme il faut s’y attendre, l’audimat. Chaque confrontation avec un groupe d’aliens est appréciée par un pourcentage d’audimat. Tant que le chiffre se maintient Ulala continue, quand le pourcentage descend au-dessous d’un certain seuil, l’émission est irrémédiablement coupée. C’est ça la télévision. Droite, gauche, haut, bas, left chu chu sur les aliens ou right chu chu sur les terriens, il y a 6 boutons en tout à maîtriser, 6 injonctions vocales, 6 pas de danse. Les “chu chu” inopinées au milieu des directions correspondent aux coups de laser qu’Ulala doit envoyer aux envahisseurs pour les calmer, aux terriens kidnappés pour les sauver. C’est d’ailleurs ainsi que partant seule, Ulala revient avec une troupe de danseurs derrière elle. Une fois libérés du joug des Morolians, les pauvres terriens toujours habités par le syndrome de la danse chronique, rejoignent en effet Ulala pour danser encore et encore. Cette fois dans le bon camp. Et nous voilà chorégraphe amateur à la tête d’une troupe type Broadway show dans l’espace. Si ce petit monde n’était pas si coloré et si outrageusement kitsch, cela ferait penser aux clips de Michael Jackson des années 80, façon Thriller inoffensif. Dieu qu’elle est charmante, charmeuse, provocante, agaçante, ridicule et touchante cette Ulala. Ses poses invraisemblables, entre dramaturgie de film muet et ballet MTV à la sauce rétro-disco. La musique illustre exactement ce que les yeux observent : clinquante, à la fois moderne et délicieusement référentielle. Pour apprécier il faut sans doute accepter le mariage de l’humour et du burlesque dans la musique et les poses… Mais attention, malgré son apparence de fille facile, Ulala ne se contrôle pas aisément. Très vite, même les plus vifs d’entre nous se font déborder par les injonctions, surtout quand les fréquences de pression se doublent et se triplent sur un même tempo. Le pire venant avec le premier Boss, rose et ventru, quand les injonctions verbales de pression gauche et droite ne sont plus accompagnées à l’écran par la gestuelle. Sans rien à mimer, il ne reste alors que l’oreille pour faire des pas de danse éventuellement en contradiction avec l’image. Space Channel 5, ou le premier jeu à collectionner pour la poupée à l’intérieur. François de la Boissière * Film de Sydney Pollack “They Shoot Horses, Don’t they ? ” (1969) qui raconte l’agonie d’un groupe de gens pratiquant un marathon de danse pour gagner un peu d’argent.

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