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Sous les Palm, la plage

Suivre les J.O., boursicoter, écrire des mails aux copains… Grâce au web, c’est la rentrée cool assurée. Ni vu ni connu.

Avant, la rentrée, c’était franchement stressant. La grasse matinée, la sieste, le pastis sous les oliviers pendant trois semaines et, d’un coup, le retour derrière les cloisons vitrées. L’odeur de la cantine dès 11 h 30. La crèche qui ferme à 18 heures. Le bronzage qui tient mal en ville. Le prof de math absent. Septembre, déjà, on avait envie de filer.Cette année, pour la première fois, le retour au bureau sera zen. Grâce au Net. On n’imagine pas, mais, avec le web, les moyens d’occuper sa journée sans rien faire tout en ayant l’air de trimer sont infinis. Evidemment, vous allez penser aussitôt aux sites roses sur lesquels on peut surfer en douce, planqué derrière son tableur. Mais il y a moins banal. Le sport, par exemple. Jadis, sauf à être dircom chez Adidas, c’était quand même limite d’étaler L’Equipe en arrivant. Sans parler de la télé : certes, depuis la Coupe du monde, certains PDG éclairés allument le poste quand la France est en finale, mais rien ne dit que ça va durer. Et, de toutes façons, pour Roland-Garros, le Tour et les J.O., on était bon pour le résumé à 23 heures du babillard Gérard Holtz. Avec le web, délivrance : foot en continu, Sydney en direct, et, bientôt, la vidéo et les ralentis. Le tout, en silence, compatible open-space.Autre moment de cyberdétente : les placements. Autrefois, à moins d’être George Soros, il fallait lire Investir le samedi matin après les courses à Auchan, ou alors, en semaine, sortir dans le hall à 10 heures avec son portable pour joindre son banquier.Là encore, on revit. Souris en main, planqué derrière Word, on achète, on vend, on ‘ tchatte ‘, on trade.Mais le summum du travail virtuel, c’est le courrier électronique. Autrefois, au temps des PTT, le facteur passait une fois par jour et ça frisait l’abus de bien social de déposer ses plis perso dans la bannette de la secrétaire. Maintenant, avec l’e-mail, le facteur sonne toutes les deux minutes aux frais de la boîte. Un petit mot à la copine de lycée qui vient de retrouver votre adresse sur AOL, la vanne du jour transférée illico aux copains et trois allers-retours avec un ex-collègue pour savoir où déjeuner. Ça occupe la matinée. L’après-midi peut alors être consacré à des tâches plus lourdes : télécharger du Skunk Anansie sur MP3 ou le dossier PowerPoint du collègue qui fait des dessins marrants…La question angoissante est de savoir qui va siffler la fin de la récré. Aux Etats-Unis, les grands DRH sont déjà allés en stage au FBI pour savoir comment tracer les activités parallèles des salariés. Chez nous, des entreprises avant-gardistes bloquent l’accès aux sites comportant le mot Pamela, la lettre X, ou aux pages de la SNCF (là, remarquez, elles n’ont pas tort…). Mais, honnêtement, on craint que le combat ne soit aussi efficace que celui des barbus qui surveillent la diffusion des films porno à Koweit City. ‘ Les PC sont sous contrôle, chef ! ‘ ‘ Bien, François, mais les WAP ? J’ai vu, l’autre matin, l’ami Martin qui jouait à Serpent en plein forecast meeting ! Et les Palm 7, vous y avez pensé, aux Palm 7 ?‘Je vous le disais : l’Internet au bureau, c’est la récré assurée pour dix ans. Mieux que les 35 heures et le baby-foot dans le couloir. Et dire que l’initiateur du mouvement, l’homme qui est au manager branché ce que Léon Blum est à l’ouvrier, Bill Gates, lui-même, va être condamné… Il ny a plus de justice.[email protected]

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Eric Meyer, rédacteur en chef