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Shutdown : petites histoires de la high tech et du blocage budgétaire américain

Pendant plus de quinze jours, le gouvernement fédéral américain a été mis en pause pour raison budgétaire. Un vide qui a eu des répercussions sur la high tech et la Silicon Valley américaine, du plus lourd ou plus léger?

« Vous pouvez reprendre une activité normale », c’est le message que les Etats-Unis envoient depuis hier à leurs citoyens et partenaires économiques. Le plafond de la dette américaine a été rehaussée et les nuages se sont éloignés jusqu’en février prochain. Si la fermeture des musées et sites fédéraux ne concerne pas forcément les Internautes français, le secteur du Net et de la high tech en général n’a pas été épargné par cette période de doute.

Smartphone et gadget retardés

Certaines rumeurs ont même laissé entendre que l’annonce du Nexus 5 et de la Google Watch a été retardée à cause de la fermeture des administrations américaines chargées de valider ces produits avant leur commercialisation officielle. Les choses sont rentrées dans l’ordre que la fête des geeks commencent !

Une crise quantique

Et le shutdown a failli avoir un impact plus lourd de conséquences sur un projet que Google et la NASA mène depuis de longs mois déjà. Ainsi, le géant de Mountain View partage-t-il un ordinateur quantique avec la NASA, qui se trouve dans un laboratoire de l’agence spatiale américaine en Californie.
Le D-Wave Two, c’est son nom, a failli ne pas pouvoir être activé à cause du shutdown, car le laboratoire de la NASA, a simplement été fermé pendant toute la période d’incertitude. Heureusement, il a été lancé seulement deux jours avant le début du shutdown, le 1er octobre dernier.

Pour autant, il est resté inutilisé pendant les plus de quinze jours de la crise, toutes les personnes qui pouvaient s’en servir étant en congé sans solde. « Le laboratoire est fermé, mais l’ordinateur en lui-même est toujours accessible et fonctionnel », déclarait une porte-parole de Google. Si on ne sait toujours pas trop comment utiliser cet ordinateur d’un nouveau genre, il aurait déjà été utile. A en croire, The Verge, la puissance de cet ordinateur aurait déjà servi à améliorer les Google Glass, en leur permettant de faire la différence entre un clignement d’œil involontaire et un clin d’œil voulu, pour prendre une photo par exemple.

Un grand vainqueur

Si le shutdown de l’Etat fédéral a coûté cher à l’économie américaine, certaines estimations évaluant les pertes à 24 milliards de dollars, toute l’économie n’a pas souffert. Ainsi, Bitcoin, monnaie décentralisée et alternative, que le gouvernement américain essaie de comprendre et de contrôler a-t-elle profité de ce shutdown. La monnaie virtuelle a renoué avec un sommet qu’elle n’avait pas atteint ces cinq derniers mois, après les assauts de l’administration américaine et la fermeture de Silk Road. Un bitcoin valant environ 165 dollars, soit 118 euros.
La raison de cette prise de valeur est simple, le shutdown est l’exposition évidente de la fragilité du système financier actuel, par conséquent tout élément alternatif crédible peut séduire. Ce que Roger Ver, le directeur du Business development, de BitInstant, résumait parfaitement dans une interview accordée à Vice : « Plus les gouvernements font des choix stupides, plus Bitcoin devient attirant. […] La force de Bitcoin vient de sa nature. Les gouvernements ne peuvent pas jouer l’inflation ou le saisir selon leur bon vouloir ».

Le complexe de la Silicon Valley

Ce succès de Bitcoin est donc une sorte de pied de nez de la « net économie » à la véritable économie et aux faiblesses du gouvernement fédéral. Mais Chamath Palihapitiya, ancien employé d’AOL et de Facebook, devenu business angel influent, a sans doute frappé bien plus fort dévoilant une sorte de complexe de supériorité de la Silicon Valley.

Dans une interview au New York Magazine, Chamath Palihapitiya déclarait : « Le gouvernement, ils sont complètement inutiles ». Puis, réagissant à son interlocuteur qui lui indiquait que la fermeture gouvernementale s’était accompagnée d’une hausse de 1% du marché boursier, il continuait : « Nous sommes dans une période de transition très intéressante. Le centre du pouvoir est ici, ne vous y trompez pas. Je pense que nous le savons désormais depuis probablement quatre ou cinq ans. Mais cela devient terriblement évident, clair et limpide pour tout le monde que la valeur n’est plus créée à New York, à Washington ou à LA. C’est à San Francisco et dans sa baie ».
Sorte de folie des grandeurs ou vertige des sommets ? « Si une société ferme, le marché s’effondre. Si le gouvernement ferme, rien n’arrive et nous continuons tous notre chemin, parce que cela n’a pas d’importance. L’immobilisme du gouvernement est de facto bon pour nous tous ».
A l’exception peut-être de ceux qui ont besoin de l’aide apportée par l’Etat, les pensionnés de guerre, les malades, les chômeurs, les Américains qui utilisent les services publics, ceux qui ont besoin d’un minimum de welfare state et tous ceux qui n’ont pas les moyens d’investir dans Facebook et autres machines à cash de la netéconomie.

La NSA a failli aimer le shutdown

Mais la « faillite » américaine a bien failli rapporter gros à la NSA ou en tout cas lui donner un peu plus de temps pour s’organiser dans le cadre des enquêtes ouvertes contre elle après les révélations faites par Edward Snowden dans le cadre de Prism.

En effet, dès le 2 octobre, une juge new yorkaise a demandé à ce que toutes les affaires civiles requérant l’intervention du ministère de la justice soient suspendues, y compris celles contre la NSA. Ce qui a été le cas jusqu’au 15 octobre dernier, date à laquelle la demande de l’ACLU, association américaine de défense des libertés civiles, a été entendue par un autre juge qui a levé cette décision. « L’argument du gouvernement pour bloquer la procédure parce que le financement […] du ministère de la Justice a expiré est recevable », écrivait le juge William Pauley III, « Mais les plaignants affirment qu’ils sont victimes d’un dommage irréparable. Une interruption indéfinie ne peut pas empêcher le gouvernement de se défendre contre des accusations de violations constitutionnelles », continuait-il, selon le site spécialisé Courthouse News Service. « Cette affaire est d’importance publique pour la Nation et mérite une résolution rapide et efficace », concluait le juge.

La NSA n’a donc pas réussi à tirer parti de ce temps mort dans la vie fédérale américaine pour assurer ses arrières. Même si le gouvernement a pu, entre temps, roder son discours de défense qui rejette la faute sur des erreurs humaines et des soucis technologiques pour justifier les abus de son système de surveillance. Il maintient par ailleurs que ces programmes sont d’une importance vitale dans la lutte antiterroriste…

Shutdown de Pokémon?

Malgré les efforts de la NSA, la palme de la pire conséquence du shutdown revient certainement à cette information, révélée par Kotaku. Le site spécialisé dans l’actualité du jeu vidéo indiquait en effet que même les Pokémon avaient été victimes de la crise fédérale. A l’heure où les hauts gradés de l’armée américaine s’inquiétaient que les militaires ne s’entraînaient plus pour absence de budget, l’indicible se tramait sur certaines bases. Les convois d’approvisionnement militaires étant bloqués, la dernière version de Pokémon (X et Y) était en rupture de stock ou pas encore livrée dans certains magasins militaires. Heureusement, le shutdown est terminé et tout sera rentré dans l’ordre pour le lancement des prochains Call of Duty et Battlefield… L’honneur est sauf.

Sources :
Tech Radar

Ordinateur quantique de Google et de la NASA

The Verge

New York Mag

Courthouse News Service

Kotaku

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Pierre Fontaine