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Sept incertitudes majeures sur le chantier de l’UMTS

Si les licences sont attribuées dans la majorité des pays européens, la technologie UMTS accuse des retards successifs. […] La date butoir, fixée au 1er janvier 2002, apparaît avoir été trop optimiste.

Rien n’est pire pour l’investissement que l’incertitude. Les économistes considèrent pourtant qu’elle est à l’origine même du profit, car le risque pris par l’entrepreneur est récompensé. L’UMTS est un vrai cas d’école dans ce domaine où l’on a pu repérer une concentration d’aléas unique. Ceux-ci se retrouvent dans les domaines financiers, technologiques et commerciaux et rendent plus difficile encore l’évaluation des chances de succès de l’UMTS. En effet, sept incertitudes principales se distinguent dans les domaines suivants : le coût de l’investissement, la distorsion de concurrence, l’incertitude technologique, les difficultés environnementales, l’existence de technologies alternatives concurrentes, l’incertitude sur les besoins réels et l’instabilité des structures de marché à terme.Parmi ces incertitudes, le coût de l’investissement et l’aléa technologique sont sûrement celles qui pèsent le plus lourd. Aux licences, qui représentent au sein de l’Union européenne une charge de près de 134 milliards d’euros (879 milliards de francs) pour les opérateurs, il faut ajouter les dépenses d’infrastructures radio en raison de l’incompatibilité technique totale entre les réseaux GSM et ceux de l’UMTS, et du choix d’une fréquence plus élevée. D’autre part, les obligations de couverture géographique et d’aménagement du territoire sont beaucoup plus contraignantes que lors de l’attribution des licences GSM. Des investissements importants devront être réalisés dans de nombreux territoires de l’Hexagone à faible densité, actuellement démunis en termes d’infrastructures et de services mobiles.Les charges d’équipement, elles, sont régulièrement révisées à la hausse, avec une fourchette évoluant, selon les options de mutualisation envisagées, de 160 à 185 milliards d’euros sur 10 ans, soit un montant total de dépenses pour l’UMTS en Europe de plus de 300 milliards d’euros. En France, si France Telecom Multimédia (FTM) respecte ses objectifs d’offre de services et de couverture, ce coût du réseau 3G serait de l’ordre de 10 milliards d’euros sur la période 2001-2010.

Aléas technologiques

Les difficultés technologiques ne sont pas moindres. Alors que les licences sont attribuées dans la majorité des pays européens, la technologie UMTS accuse des retards successifs. En France, FTM annonce l’équipement progressif d’une dizaine de villes, le déploiement de réseaux tests et une éventuelle amorce du service dans le courant de l’année 2002. La date butoir, fixée par l’Union européenne au 1er janvier 2002, apparaît donc avoir été beaucoup trop optimiste.L’incertitude principale est relative à la maîtrise technologique des terminaux. Pour l’UMTS, les problèmes ne se limitent pas aux terminaux mais se couplent avec ceux du c?”ur de réseau (composants, protocoles logiciels). Selon Reuters, le retard du projet de l’Île de Man serait imputable à une défaillance du logiciel du Radio Network Controler (RNC), qui ne prendrait pas en charge la continuité de la connexion lors des changements de cellule.Ces problèmes concernant les terminaux ne sont toutefois pas uniques. L’exploitation des capacités promises par la 3G dépend fortement de la diffusion de l’IPv6, le protocole internet version 6 (sécurité, configuration automatique de routage et de réseau, grand nombre d’adresses), ainsi que de la coordination en amont.On le voit, tout ceci rend le problème de l’UMTS extrêmement compliqué et très incertain. C’est le cas type où l’intervention publique, européenne et nationale, aurait dû prendre en charge une partie de cette incertitude, comme dans tous les cas de grands problèmes technologiques. Et pourtant, c’est l’inverse qui s’est produit à travers l’absence de coordination européenne et le prélèvement indu des gouvernements à l’occasion de l’attribution des licences. Mais le pire n’est jamais sûr.* professeur à luniversité de Paris IX -Dauphine

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Jean-Hervé Lorenzi*