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SEB connecte ses cocottes et réfléchit à la cuisine de demain? iPad en main

L’industriel français SEB vient de présenter un prototype de cocotte connectée. Mais loin du rythme effréné du monde de la hitech, il prend le temps de réfléchir aux usages réel de ses produits.

Dans les salons électroniques il est plus courant de croiser des smartphones ou des téléviseurs 4K que des cocottes minutes. Mais les choses commencent à changer avec la vague des objets connectés. « C’est la première présence de SEB au CES et aux vues de l’engouement suscité, il est probable que SEB ait son propre stand à la prochaine édition », explique en souriant Karim HOUNI chef de projet innovation chez SEB. Prudent, le grand groupe français de petit électroménager – 22 marques dont SEB, Téfal, Rowenta, Krups, etc. – ne se lance pas dans l’arène tête baissée : pour le trouver, il faut se rendre dans une salle privatisée par Texas Instrument, géant des semi-conducteurs dont SEB utilise des composants dans son prototype de cocotte connectée.

C’est jute un prototype

Basé sur une produit déjà commercialisé – la cocotte « Nutricook » – le prototype présenté intégrait un module numérique Bluetooth LE (low energy, puce peu énergivore) qui, une fois appairé avec une tablette permet un monitoring de la cuisson grâce à ses différents capteurs de température et de pression. L’application prévient l’utilisateur pendant les étapes de la cuisson – rajouter les légumes dans le bon ordre, arrêter la cuisson, etc. Une idée d’apparence simple – et utile – et pourtant « ce n’est qu’un prototype et nous n’avons rien décidé quant à la commercialisation. Et il est déjà certain que rien ne se fera en 2014 », nous explique Karim HOUNI. Frilosité face à l’innovation de la part de SEB ? Pas vraiment, plutôt la posture d’une entreprise centenaire et réfléchie.

Penser à tout, surtout au pire

Contrairement à l’informatique et au mode numérique en général, l’héritage culturel du monde de la cuisine est ancré dans les siècles. « SEB c’est tout de même 150 ans d’histoire, alors on essaie de se servir de cette culture pour répondre aux besoins de notre utilisateurs », répond Karim HOUNI lorsqu’on le questionne la décision de ne rien commercialiser cette année. « On ne peut pas faire n’importe quoi avec des objets qui sont voués à être placés sur un feu à gaz ou une plaque à induction, les risques sont importants », martèle-t-il. « Nous travaillons sans cesse sur les pires scénarios d’utilisation, mais la réalité nous rattrape toujours ! », nous explique-il en racontant l’histoire de cet utilisateur fainéant qui avait décidé de faire nettoyer ses plaques vitrocéramiques par son robot aspirateur pendant son absence, robot qui a terminé ses jours fondus sur les plaques, ces dernières l’ayant pris pour une poêle… « L’automatisation et le contrôle informatique a ses limites, surtout quand nous ne maîtrisons pas la source de l’énergie, comme un feu. Le principe légal est que l’utilisateur d’une cocotte doit surveiller la cuisson, nous ne voulons pas nous substituer à lui mais l’accompagner », ajoute-t-il lorsque nous faisons l’erreur de comparer sa cocotte thermique aux autocuiseurs bardés d’électroniques « qui sont électriques et dont on peut contrôler l’alimentation. » Damned, ça ne se semblait pas si difficile que ça de mettre du Bluetooth dans une cocotte !

Des usages à réinventer

Au cadre purement technico-légal s’ajoute les problématiques sociales et des usages, surtout en ce qui concerne l’application sur tablette. « Les développement prennent du temps car nous essayons de nous appuyer sur notre histoire. Nous avons du recul avec l’introduction des livres de Françoise Bernard dans nos cocottes dans les années 60. Le but est de proposer la même qualité de contenus mais adaptés aux usages et pratiques actuelles. » Quid des recettes proposées par les utilisateurs ? « Nous sommes un peu lent en ce domaine », s’amuse-t-il, « mais nous n’en sommes pas là. Et pour une bonne raison : toutes nos recettes sont pensées et testées par de vrais chefs cuisiniers : il faut que cela soit bon ! Alors on réfléchit aux processus de validation, mais une fois encore, nous prendrons notre temps. ».

Approche industrielle

SEB est – pour l’heure – un inconnu  du monde numérique et sa logique est celle d’un industriel et non d’une startup. « Nous ne sommes pas qu’un laboratoire de recherche, nous avons 29 usines à faire tourner », décrit Karim HOUNI. « Si 10.000 unités d’un premier produit est un vrai “top” pour une start-up, chez SEB, 10.000 unités c’est un “flop” ! On commence à parler d’une réussite à 100.000 unités et c’est à partir du million de pièces qu’on parle de best-seller », ajoute-t-il. Dans la même veine d’échelle et de rationalisation, les coûts de fabrication ne sont pas calculés à l’euro près mais « au centime » près. Voilà de quoi refroidir les ardeurs de ceux qui imaginaient déjà des processeurs Qualcomm à quatre cœurs dans leur cocotte.

Les fondamentaux : l’ingénierie… et le goût !

« A chaque fois qu’on travaille sur des prototypes, on se parle entre ingénieurs de telle ou telle technologie, etc. mais on finit toujours par retourner aux fondamentaux : est-ce que c’est bon ? », explique-t-il. « Nous concevons des produits pour réaliser des plats aux meilleurs qualité gustatives possibles. Améliorer les usages et donc les qualités de vos plats, c’est l’unique but de nos innovations, le reste – Wi-Fi, app, etc. n’est que de la poudre aux yeux si cela n’améliore pas la qualité de vos plats. » A l’opposé du monde de la hitech où les outils apparaissent d’abord et trouvent leur usage ensuite – ou disparaissent dans les limbes numériques –, SEB semble prendre un grand soin dans la conception de ses produits et pense à chaque scénario, chaque usage. Dans une industrie portée par l’énergie d’une fuite en avant permanente, cette posture de sagesse a presque quelque chose de rassurant.

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Adrian Branco