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Samsung : un rapport accablant sur ses usines chinoises

Dans un rapport d’une centaine de pages, l’ONG américaine China Labor Watch pointe du doigt les nombreuses violations pratiquées dans huit usines appartenant, au moins pour partie, au géant Samsung.

Contrairement à Apple, qui ne possède plus d’usine depuis près de dix ans mais défrayait tout de même la chronique du fait des conditions de travail des ouvriers employés par ses fournisseurs, Samsung conserve la haute main sur des dizaines de centres de fabrication à travers le monde, et notamment en Chine.

L’ONG China Labor Watch, qui n’épargnait pas Apple récemment et égratignait le travail d’audit et d’analyse de la Fair Labor Association, vient de publier un rapport de 122 pages sur les conditions de travail des ouvriers de huit usines appartenant, au moins partiellement, à Samsung.

Les huit cercles de l’enfer ?

Shenzhen Samsung Kejian Mobile Telecommunication Technology. Environ 500 ouvriers. Propriété de Samsung à hauteur de 60 %. Production principale : des téléphones portables.

Huizhou Samsung Electronics Co, environ 10 000 ouvriers. Propriété de Samsung à 99 %. Produit surtout des lecteurs MP3/MP4, des enceintes et des lecteurs DVD.

Tianjin Samsung Mobile Display (TSMD), environ 3 500 ouvriers. Propriété de Samsung à 95 %. Produit essentiellement des écrans pour mobiles.

Il y en a cinq autres comme ça. Cinq usines où nos smartphones, téléviseurs connectés, ou même nos réfrigérateurs sont fabriqués. Huit usines en tout, où China Labor Watch a relevé des violations au code du travail chinois.


Source : China Labor Watch.

Et le rapport de lister et détailler, sans faiblir, seize entorses majeures. A commencer par les heures supplémentaires. Sept des huit usines maintiennent un rythme de travail qui implique une surcharge de travail plus de la moitié de l’année ou avec des heures supplémentaires de plus de 100 heures par mois avec parfois un seul jour de repos sur la période. La palme revenant à Tianjin Samsung Mobile Display avec 186 heures supplémentaires par mois pendant les périodes de pointe.

Ces cadences de travail sont imposées dans certaines de ces usines. Et pire encore, quand elles ne le sont pas, la faiblesse des revenus de base oblige les ouvriers à faire des heures supplémentaires pour subvenir à leur besoin. Cette situation dantesque aboutissant à ce que les ouvriers se portent volontaires pour ce genre de traitement.

Ces horaires inhumains s’ajoutent également à des conditions de travail « épuisantes ». « Presque toutes les usines requièrent que la plupart des ouvriers travaillent debout pendant toute leur journée de travail, même pendant les périodes de travail supplémentaire qui durent de 11 à 12 heures ». Un inconfort insupportable qui n’est pas nécessaire. Les tâches quotidiennes pouvant être accomplies assis, comme l’ont fait remarquer certains salariés.

Droits élémentaires niés

Une main-d’œuvre qui, bien souvent, n’a pas de contrat, ou doit se contenter d’une feuille blanche. Et c’est encore un des meilleurs cas, puisque China Labor Watch a relevé certaines occasions où les salariés travaillent sans être payés. Notamment pendant les réunions régulières convoquées en dehors des horaires habituels, et non payées. Parfois, les salariés ne sont tout simplement pas payés au-delà de 36 heures supplémentaires. Leur direction leur donnant alors des jours de repos en plus… qu’ils prendront quand la production ralentira. A savoir quasiment jamais.

Des violences passives, qui deviennent parfois actives. Dans certaines usines, notamment chez TSMD, toujours, l’ONG a relevé des comportements violents, verbaux ou physiques.


Photo d’un dortoir d’ouvriers travaillant pour Samsung. Source : China Labor Watch.

Et la litanie de ces abus et horreurs continue avec le travail de mineurs. Rendu possible grâce à un management qui falsifie les informations des cartes d’identité de leur détenteur. Une tendance à se tourner vers de jeunes travailleurs, parce qu’il est plus facile de les abuser, plus facile de les mener en bateau et qu’ils sont également plus enclins à coopérer. D’ailleurs, le rapport note crûment que lorsque l’embauche des femmes est favorisée, c’est parce que ces dernières ont tendance à plus facilement accepter certains abus et certains règlements jugés « frauduleux ou simplement cruel ».

Mais la palme revient certainement au dixième point de la liste dressée par China Labor Watch. Il indique que les salariés doivent payer des sommes extraordinairement élevés aux agences pour l’emploi qui les mettent en contact avec leurs futurs exploiteurs ? Ainsi, certains de ces intermédiaires prélèvent jusqu’à 100 euros par personne alors que le salaire mensuel moyen de base pour ce genre de poste est inférieur à 212 euros.

Ambivalence de notre responsabilité

De ce rapport, on ressort mal à l’aise, se sentant coupable, comme souvent dans ce genre de situation. Se posent toujours et encore les mêmes questions : notre consommation, nos besoins (ou envies) high-tech, la croissance chinoise et les intérêts de quelques géants valent-ils tous ces sacrifices ? Certes, la Chine traverse actuellement sa révolution industrielle comme l’Europe au 19e siècle, mais se dire que notre passé absurde se répète ailleurs, est-ce vraiment une consolation ? A lire ce rapport, on a en tout cas l’impression que le tableau est encore plus sombre que celui dressé par les divers rapports sur les usines des fournisseurs d’Apple. Un lien qu’on ne peut évidemment qu’établir. Et d’ailleurs China Labor Watch le pose d’emblée, dans le titre de son document : « Est-ce que Samsung viole les brevets d’Apple sur la maltraitance des ouvriers ? » Une bonne question. Mais, une chose semble certaine, pour ces brevets-là, la justice risque de ne pas être saisie de sitôt…

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Pierre Fontaine