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Rue89.com tente le pari du magazine papier

Le site d’informations sort une première édition papier, un mensuel de cent pages qui sera vendu 3,90 euros. Entretien avec le directeur de la rédaction, Pierre Haski.

Après Bakchich.info, au mois de septembre 2009, c’est au tour d’un deuxième site d’informations indépendant de se tourner vers le papier. Le premier exemplaire du mensuel Rue89 sera disponible dans les kiosques ce mercredi 16 juin. Doté de cent pages, ce magazine proposera du contenu original couplé à des reprises d’articles publiés sur le site. Il sera vendu 3,90 euros.

01net : Que va-t-on trouver dans le magazine par rapport au site Internet ?
Pierre Haski : Environ 70 % du contenu sera issu du site Internet. Il sera adapté pour le papier. Les liens hypertextes seront par exemple tournés dans une périphrase. Ces liens apportent de l’information, il n’était pas question de les supprimer. Un gros travail de mise en scène a été fait pour offrir une autre expérience de lecture que celle sur le Web.
Plus globalement, nous avons voulu éviter l’erreur des titres de presse papier qui, lorsqu’ils sont passés sur le Web, ont cru à tort qu’il suffisait de transposer les articles vers un autre média. Les 30 % restant seront du contenu original conçu pour le magazine. Vous trouverez des portfolios, des reportages, les bonnes feuilles d’un livre, etc.

Croyez-vous que les lecteurs soient prêts à payer pour du contenu qu’ils peuvent trouver gratuitement en grande majorité sur votre site ?
Encore faut-il qu’ils puissent retrouver ce contenu. La rotation sur notre page d’accueil est de 36 heures. Au-delà, les papiers rejoignent nos archives. Si un lecteur ne connaît pas l’existence d’un article, comment peut-il le retrouver ? Rue89.com comptabilise 1,5 million de visiteurs uniques.
Une partie d’entre eux ne viennent pas tous les jours et passent à côté de 80 % du site. Notre magazine s’adresse à ces lecteurs qui peuvent avoir envie de retrouver nos articles sur la distance. C’est pourquoi, nous avons opté pour une parution mensuelle, qui nous semblait la plus éloignée du flux quotidien d’informations. Bien sûr, nous espérons aussi glaner de nouveaux lecteurs.

Où en est Rue89.com financièrement ?
Nous ne sommes pas loin de l’équilibre. Le point mort sera atteint au dernier trimestre 2010 et nous serons bénéficiaires l’année prochaine. Ces prévisions ne tiennent pas compte des recettes qui seront générées par le magazine. 65 % de nos revenus proviennent de la publicité, 35 % de services annexes et de formations que nous dispensons. C’est un modèle économique bricolé mais qui va bien à Rue89.com. Il nous permet d’avoir vingt salariés en CDI et des pigistes.

Cela signifie-t-il que le modèle publicitaire est insuffisant pour faire vivre un journal en ligne ?
C’est impossible. Et vivre uniquement de la publicité n’est pas très sain. Il suffirait que la publicité plonge de nouveau pour mettre le site en difficulté.

Certains de vos concurrents font le pari de l’information payante sur le Web. Vous y croyez ?
Non. J’ai une position très tranchée à ce sujet. Je conçois que l’on ait besoin de trouver des fonds, mais en passant au payant ces sites se coupent de la circulation de l’information propre à Internet. 37 % de nos visiteurs viennent de recommandations (Facebook, Twitter, liens sur les blogs, etc.).
Ce trafic est vertueux car le temps de présence de ces lecteurs sur notre site est beaucoup plus important que celui passé par ceux qui arrivent par des moteurs de recherche. Ces internautes ne viendraient pas sur notre site s’ils devaient remplir un formulaire d’abonnement avant d’atteindre l’article désiré.

Rue89.com existe depuis trois ans. Pourquoi faire une version papier maintenant ?
Nous y pensions depuis le départ. Mais nous étions tellement contents de nous débarrasser de l’imprimerie pour nous concentrer sur l’innovation éditoriale. Rue89 a atteint une certaine notoriété. C’est devenu un média mature, prêt à conquérir d’autres lectorats.
Le mensuel est surtout le fruit d’une rencontre avec Frédéric Allary, l’ancien DG des Inrocks, qui va prendre en charge toute la fabrication. Quoi qu’il en soit, Rue89.com restera le navire amiral de notre groupe. La création journalistique se fera sur le site, et non l’inverse.

Quels sont vos autres projets numériques ?
Nous développons une nouvelle version de notre application pour l’iPhone avec plus de fonctionnalités. Nous drainons déjà 2 millions de visiteurs uniques. Quant à l’iPad, rien ne presse. Rue89 n’est pas dans une course à l’image. Pour le moment, ce nouveau support est loin d’être un marché de masse.

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Propos recueillis par Hélène Puel