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Robert de Monts (Boostworks) : ” La réorganisation et le management par comités ont sauvé la société “

Robert de Monts a relancé Synchronix, renommée Boostworks. Cette société française, installée dans la Silicon Valley, n’arrivait pas à s’adapter au marché américain.

Quelle était la situation de Synchronix lorsque les capital-risqueurs vous ont appelé pour prendre la tête de la société ? Le bilan était assez sinistre. Il résultait d’un manque total d’organisation et de stratégie, qui se reflétait sur le développement des produits et sur la manière dont l’équipe fonctionnait. En gros, c’était une véritable caricature de management “à la française” : aucune définition précise de poste, aucun reporting, aucune responsabilité bien déterminée, pas d’objectifs clairs. Toutes les décisions venaient du haut, c’est-à-dire des dirigeants installés en France. Les managers locaux disposaient d’une marge de liberté réduite, très floue. Leurs décisions étaient fréquemment court-circuitées. Enfin, les produits étaient adaptés spécifiquement à chaque client. Ce qui transformait littéralement la société en société de services. En bref, Synchronix avait été fondée en 1989 en France par des ingénieurs. Son principal client était HP, et, parmi ses investisseurs, figuraient France Télécom et Sofinnova. S’appuyant sur une bonne technologie logicielle, alors que le web explosait aux Etats-Unis, l’un des fondateurs monte un bureau dans la Silicon Valley en 1998 pour élargir la portée des produits et augmenter les ventes sur le web. Mais, après un an de fonctionnement, les investisseurs se sont inquiétés de ne voir apparaître aucun signe positif. Les produits n’étaient pas terminés, et aucun client potentiel ne manifestait une réelle intention d’acheter. Quelles furent alors les décisions prises ? Compte tenu des qualités et du potentiel de la technologie qui permettait d’accélérer les transactions sur le web, les investisseurs ont décidé d’ouvrir le capital de la société à d’autres partenaires, dont la BNP, de la renommer Boostworks, d’en faire une société américaine, et de changer le management. Pendant le dernier trimestre 1999 et au début 2000, je suis allé en France pour réorganiser la société. A la fin de 1999, Vincent Titolo, une personnalité connue dans le monde des affaires, était nommé CEO pour offrir une image claire aux clients.Comment avez-vous procédé ? J’avais donc deux objectifs immédiats en tête: connaître les gens et la répartition des tâches dans la société afin de mettre en place une structure de gestion et de marketing, et de stabiliser le développement des produits. Dans un premier temps, j’ai interviewé tout le monde, individuellement. J’ai posé à chacun une série de questions très simples et aussi peu subjectives que possible sur sa position dans la société. A chacun, j’ai aussi demandé ce qu’il ferait s’il était à ma place, et ce qu’il avait envie de faire. J’ai constaté que les gens étaient très surpris qu’on leur demande leur avis et qu’ils étaient aussi très préoccupés par l’avenir de la société. Tous déploraient le manque d’objectifs. Nous en avons définis ensemble, sur lesquels chacun était prêt à s’engager. J’ai organisé la communication à l’intérieur de la société en instituant des réunions avec l’ensemble le personnel toutes les deux semaines. Et ce avec rédaction d’un compte rendu écrit exhaustif, donné à tout le monde.Quelle organisation avez-vous mise en place ? J’ai proposé un mode de management par comités. Aucune décision n’émanait d’une seule personne isolée. Mais chacune était discutée et approuvée par tous les gens concernés. J’ai aussi mis en place un “product marketing”, une activité que les entreprises françaises pratiquent rarement. Il s’agit d’élaborer un guide précis et rigoureux pour les développeurs, qui les dirigera dans l’architecture et la finition du produit. Ce guide s’appuie sur un retour d’appréciation des clients et sur les grands axes de la stratégie de l’entreprise.Quelles ont été les conséquences sur le développement des produits ? Les produits étaient vendus prématurément et n’étaient pas stables. Nous avons donc décidé d’arrêter toutes les ventes. Et ce aussi bien en France qu’aux Etat-Unis. Puis nous avons proposé à nos clients de les mettre en bêtatest afin d’obtenir leur avis. Nous leur avons expliqué notre objectif de leur offrir un produit stable et fini. Les réactions ont été très positives. Parallèlement, les objectifs du “product marketing” ont été de finaliser les spécifications de la prochaine version du produit pour le web, et de développer un ensemble de documents et de cours pour les forces de vente directes et les canaux indirects.Qu’en est-il aujourd’hui ? A la fin du printemps de cette année, nous avions le plan de développement exécutable que la société n’avait jamais obtenu. Nous disposions d’une structure de suivi des clients et de support technique directement liés au ventes. Boostworks est aujourd’hui une véritable société de logiciel, fournissant des produits d’infrastructure standards pour le web. Et, au tout début de l’été, nous avons signé notre première commande de 1 million de dollars.

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Propos recueillis par Alain Baritault, à Palo Alto