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Respecter les différences culturelles pour gérer dans la sérénité

Les managers doivent souvent adapter localement le discours d’une société internationale pour le faire accepter. Deuxième volet de notre plongée chez ces patrons sans frontières.

Faire le pont entre la culture d’entreprise américaine et la culture française constitue pour partie la mission des directions générales ?”uvrant pour le compte de grands groupes d’outre-Atlantique. Un exercice délicat que détaille Christophe Letellier, vice-president et general manager de Peoplesoft France : “L’impact des différences culturelles sur le business est potentiellement fort, et tout le jeu est de le limiter au minimum, voire de l’annuler complètement. L’application des méthodes américaines pures et dures aurait un impact significatif sur notre performance. Comment voulez-vous réussir, dans un pays travaillant 35 heures par semaine, […] en travaillant comme aux États-Unis où trois semaines de congés sont la norme […]. Par définition, le succès passe par l’autonomie, pas celle qui vous coupe de tout, celle qui vous permet de traduire localement les légitimes ambitions américaines.” Et d’illustrer d’un exemple sa marge de man?”uvre : “Les objectifs en termes de budget sont le résultat d’un travail effectué au niveau local, lequel est validé par le siège comme le ferait un conseil d’administration.”

Des violences potentielles

Cette nécessaire adaptation du modèle économique en fonction des conditions sociales n’aurait que peu d’incidences sur le fonctionnement même des affaires : “En ce qui concerne la gestion des sociétés, les façons de faire dans le monde sont très comparables”, remarque Bruno Vinciguerra, de Dell. Un avis largement partagé par Jimmy Anidjar. Le senior vice-president France, Middle East and Africa d’Oracle estime à seulement 10 % la part représentant les différences culturelles d’une contrée à l’autre. Mais l’on aurait tort d’ignorer “qu’elles recèlent un potentiel de violence considérable”, insiste Charles Gancel, directeur associé du cabinet ICM, spécialiste dans le management interculturel.“Prendre conscience des différences culturelles, poursuit Kathleen Dameron, responsable du cabinet KD Conseil, permet de lever des frustrations mais aussi de développer des stratégies d’adaptation. Sans cela, il y a risque de collusion.” Parfois, observe-t-elle, “les dirigeants croient que tout se passe très bien parce que les collaborateurs masquent à leurs supérieurs leurs difficultés. Ce sont les opérationnels de la filiale qui souffrent. Ils ne savent pas toujours comment faire passer les messages auprès des Américains”, regrette la consultante.Difficile pour les responsables de multinationales de reconnaître ces éventuels malentendus et autres conflits. Le souci majeur de Jimmy Anidjar vise avant tout “à mettre en place des équipes compétentes”. Ce qui l’exempterait d’avoir à connaître dans le détail tout ce qui se passe en France. Quant à Bruno Vinciguerra, également intermédiaire entre les directions pays et le siège de Dell, il entend jouer un rôle d’impulsion dans les filiales : “Ma mission consiste à fixer des plans de développement dans une relation de saine tension. J’essaie de les “challenger”.” Et si Dell tient compte des différences culturelles, “nous ne changeons pas la manière d’informer”, précise Bruno Vinciguerra. Et Jimmy Anidjar d’ajouter : “L’usage de l’e-mail rend caduque toute tentative d’adaptation des messages.”

Uniformiser la gestion

La mise en place d’un mode de gestion homogène et uniformisé deviendrait donc inéluctable. Sans pour autant sonner le glas d’une révolution culturelle. Selon Charles Gancel, “les entreprises peuvent s’accorder sur un mode de fonctionnement mais non pas sur un mode de pensée, car cette dernière ne se négocie pas en tant que telle”. De son point de vue, c’est l’adoption de pratiques similaires, comme l’approche par mode projets, qui va produire à terme un changement culturel : “L’entreprise travaillera alors sur de nouvelles valeurs fondamentales.” C’est ainsi que le tempo extrêmement rapide adopté par le secteur high-tech peut sensiblement modifier la vision du pouvoir hiérarchique. Mais il faudra beaucoup de temps pour changer les mentalités. Pour l’heure, conclut-il, “les multinationales tentent d’homogénéiser les pratiques, sans illusion sur le résultat”.

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Valérie Quélier