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Reportage Sony (6/8) : à la recherche de la marge perdue

Si le volume de TV vendues est en hausse constante, la valeur du marché global est en chute libre. La passe est difficile pour Sony qui a besoin de marges pour tenir.

Au fil de notre visite dans les locaux de Sony au Japon, un élément nous a marqué : le martelage du mot « qualité ». Si les uns parleront d’endoctrinement tandis que les autres critiqueront les quelques baisses de qualité que le géant japonais doit affronter sur certains segments, la vérité est que la qualité est quasiment la seule planche de salut pour la marque dans le domaine de la télévision.

Un bref regard sur les tableaux ci-contre suffit à faire froid dans le dos… Ces graphiques expliquent en effet que si le volume de dalles LCD vendues dans le monde sera en constante augmentation jusqu’en 2014, selon leurs études, la valeur globale du marché sera elle en pleine décroissance. Sony et les autres fabricants japonais se retrouvent à devoir produire plus d’unités pour moins cher et voient fondre leurs marges comme neige au soleil. Une situation dont la cause se situe du côté continental de l’Asie, c’est-à-dire en Chine et en Corée, deux pays qui comptent bien accroître leur part du gâteau.

La Corée en force, la Chine en embuscade

Non seulement la population japonaise vieillit mais elle décroît. Dans un pays où le respect des anciens est important et où l’entreprise veille traditionnellement sur ses employés jusqu’à leur retraite, nous avons été marqué par l’âge moyen des cadres – généralement plus de cinquante ans – quand les ingénieurs de Samsung et des autres marques non japonaises nous ont, à chaque fois, parus plus jeunes. Le reportage du magazine Un œil sur la planète de France 2 au sujet de l’empire Samsung est d’ailleurs un bon exemple du caractère « remplaçable » de chacun des employés de la marque coréenne, quand certains vieux ingénieurs de Sony nous ont paru presque « faire partie de meubles ».

Au-delà des considérations philosophiques autour de la compétitivité, du caractère social de l’entreprise, etc. se pose la question pour Sony et ses homologues japonais de réussir à s’en sortir dans un contexte radicalement différent des dynamiques chinoise et coréenne.

Avenir incertain, pari sur la qualité et les services

Le hic pour Sony (et consorts) c’est que les fabricants coréens offrent souvent un rapport prix/design/qualité supérieur. Car la qualité technique ne fait pas tout et la réussite est affaire de compromis. Et à ce jeu, le pragmatisme du continent explique à lui seul la mise à mal des entreprises de l’archipel nippon.

Ne pouvant lutter sur le segment de la production de masse à coût modéré, les fabricants japonais s’orientent donc de plus en plus vers le haut de gamme, où la valeur ajoutée est la plus forte. « Je préfère réaliser une marge plus importante avec 15 % de parts de marché qu’avoir 50 % du marché et obtenir une marge deux fois moindre », nous confiait un directeur marketing d’une marque nippone à l’occasion du CES 2012 de Las Vegas. Mais ici, le risque est que les constructeurs japonais – et donc Sony – soient un jour dépassés sur le plan technique. Si on additionne la fougue des fabricants coréens, le nombre – et l’amélioration qualitative – des ingénieurs chinois, cette hypothèse est tout à fait envisageable.

On comprend alors mieux pourquoi Sony met en avant le plus possible sa plate-forme Sony Entertainment Network : ce service transversal de distribution de biens culturels numériques lui permet d’associer la vente de services à ses produits. Et si Sony est loin de remporter le même succès qu’Apple quant à la popularité de son service, le fait est que la marque tokyoïte est la seule à pouvoir vendre à la fois du matériel et du contenu, les autres fabricants japonais étant plutôt des gros industriels – Toshiba, Panasonic, etc. –, les coréens et chinois étant pour le moment hors-jeu.

Il reste maintenant à voir si Sony saura maintenir un niveau de qualité suffisamment attractif pour continuer d’attirer une clientèle haut de gamme prête à dépenser plusieurs milliers d’euros dans un téléviseur et si la richesse de son service de vente de contenu arrivera à décoller. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Lire les précédents volets de ce dossier : la télé 3D fait flop ; le Crystal LED ; la maîtrise de l’électronique ; la Google TV ; la 4K et l’Oled.

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Adrian Branco