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Rencontre : « Il faut encourager les femmes à suivre des formations high-tech »

A l’occasion de la journée de la femme, nous avons rencontré Roxanne Varza, co-fondatrice des branches parisiennes du réseau Girls in Tech. Un constat demeure : le secteur technologique reste trop peu féminisé. Mais les choses bougent enfin…

Roxanne Varza est diplômée de l’Université de Californie, de Sciences Po et de la London School of Economics. Ancienne rédactrice en chef de TechCrunch France, elle est aujourd’hui chargée de gérer les relations auprès des start-ups chez Microsoft. Elle est aussi organisatrice de la conférence FailCon à Paris et tient un blog sur les entrepreneurs français, Techbaguette.

En ce 8 mars 2013, Journée internationale de la femme, et presque deux mois après avoir rencontré Delphine Ernotte-Cunci, directrice générale d’Orange dans un but similaire, nous avons voulu faire un point avec elle sur la place qu’occupent les femmes dans le secteur des nouvelles technologies.

01net : Quelle est la mission que s’est fixée le réseau Girls in Tech ? Roxanne Varza : Girls in Tech est un réseau international de 9 000 membres qui vise à donner plus de visibilité aux femmes entrepreneurs  et à encourager la mixité dans le domaine des nouvelles technologies. En France, nous sommes présents depuis 2010 et nous faisons des évènements réguliers qui sont ouverts à tous (hommes et femmes) mais où seules des femmes interviennent. Nous ne sommes pas là pour aborder des sujets dits « féminins » de famille, mode, beauté, etc. non plus. L’objectif de Girls in Tech est de parler… techno ! Le 4 avril prochain, nous organisons ainsi la Lady Pitch Night, qui vise à reconnaître les meilleures startups européennes avec au moins une femme dans l’équipe fondatrice.

Le manque de femmes dans le secteur high-tech est-il bien réel, ou un cliché ?
Toute la communauté high-tech semble d’accord que les femmes sont minoritaires (1). Là où on voit moins de femmes, c’est évidemment dans les métiers techniques. A mon avis, la France compte de plus en plus de femmes entrepreneurs et il y a également une bonne représentation féminine dans le financement de startups.  Je pense que la situation est aussi différente selon le pays. Par exemple, on voit moins de femmes entrepreneurs dans les pays latins où l’image de la femme traditionnelle est encore très présente.

La situation française est-elle particulière ?
Pour la petite anecdote, j’ai lancé Girls in Tech en France et aussi au Royaume-Uni. Les deux pays n’ont pas du tout réagi de la même manière : la communauté française semble en faveur de ce genre d’initiative, alors que les Anglais n’ont pas compris pourquoi on avait besoin d’encourager les femmes en particulier. Mais si on regarde les chiffres et les statistiques, la situation française n’est pas particulière. En Angleterre la société Lady Geek a publié une étude disant que même si les femmes représentent 49% de la population active, elles ne pèsent que 17% du secteur IT – et encore pire, ce chiffre est en baisse. Outre-Atlantique la situation est plus ou moins la même. Il y a quelques années (en 2008), Harvard Business Review a publié un article disant que environ 52% des femmes dans le milieu des nouvelles technologies abandonnent le secteur à mi-carrière. Parfois c’est lié au machisme.

De votre point de vue, les femmes dans le high-tech apportent-elles une « touche » spécifique ? A l’inverse, est-ce pour elles plus difficiles que pour les hommes de percer dans ce secteur ?
J’entends souvent que les femmes sont plus adeptes de rôles de communication et qu’elles ont des profils un peu artistiques. Je ne suis pas tout à fait d’accord sur le fait que cela soit uniquement féminin. En revanche, les femmes comprennent la mentalité féminine, les habitudes, les besoins, plus facilement. Je trouve bizarre le fait que la plupart des sites de rencontre soient créés par des hommes. Ce qui risque d’être plus difficile dans le secteur techno pour une femme, c’est d’être perçue comme crédible. Bien évidemment nous avons plein d’exemples des femmes qui montent en puissance – Marissa Mayer, PDG de Yahoo !, Sheryl Sandberg, directrice générale de Facebook,  mais la femme doit souvent montrer beaucoup plus de savoir-faire et de compétence dans le milieu techno avant d’être perçue comme quelqu’un de crédible.

Peut-on imaginer qu’il y aura davantage de femmes à l’avenir dans le secteur high-tech ?
Certainement. L’image du milieu technologique et de l’entrepreneuriat sont en train d’évoluer, c’est maintenant « cool » d’être entrepreneur et de créer sa start-up. Cela va certainement inciter plus de personnes – homme et femme – à se lancer dans l’entrepreneuriat. Sinon, pour les métiers purement technologiques, je pense que ça sera un peu plus lent mais les gens sont conscients qu’il faut encourager les femmes à suivre des parcours techniques.
A mon avis, tout commence avec l’éducation – combien de filles suivent des parcours et des formations techniques ? En ce qui concerne l’entrepreneuriat, créer une start-up (même dans la technologie) ne demande pas de formation particulière. Mais ce n’est pas le cas pour devenir ingénieur.

Quelles sont les figures féminines de la high-tech que vous citeriez en exemple ?
Depuis les élections, on n’arrête pas de parler de Fleur Pellerin, la ministre en charge de l’économie numérique. Même si elle n’est pas entrepreneur, elle joue un rôle clé dans notre écosystème et j’aime bien son approche pour l’instant. Sinon, Catherine Barba reste une des figures féminines (2) les plus connues dans ce milieu en France. Elle organise un évènement aujourd’hui, 8 mars, pour la journée de la femme avec Delphine Rémy-Boutang.
Je peux citer aussi Robin Chase, la fondatrice américaine de Zipcar, qui s’est installée en France pour lancer sa nouvelle startup, Buzzcar. Parmi les investisseurs, une des femmes les plus actives et visibles est Marie Ekeland (Elaia Partners), qui a également monté France Digitale. Plus récemment, il y a aussi une vague de jeunes entrepreneurs, comme Céline Lazorthes (Leetchi.com), Lara Rouyes et Tatiana Jama (Dealissime, rachetée par LivingSocial), Stephanie Pelaprat (Restopolitan.com), Fanny Péchiodat (MyLittleParis.com)… Et je ne peux pas oublier certaines femmes qui travaillent dans les grands groupes, comme Annina Svensson, ex-Spotify et désormais chez Google.

A consulter aussi :
Blog de Roxanne Varza
Girls in Tech Paris

La Journée de la Femme Digitale

France Digitale

Le site Femme ingénieure, lancé par trois écoles d’ingénieurs

Vous pourrez par ailleurs retrouver dès jeudi 14 mars prochain, en kiosque, dans le numéro 770 de Micro Hebdo, un mini-dossier sur sept Web-entrepreneures de la Toile française : Céline Lazorthes (Leetchi.com), Emilie Gobin (Usineadesign.com), Aurélie Duthoit (Babyloan.org), Aurélie Perruche (Likiwi.com et Maspatule.com), Eugénie Triebel et Bérangère Florin (Levelovoyageur.com) et Margaux Pelen (Homengo.com).

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Guillaume Deleurence