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Recherche et innovation : confusions nuisibles autour des mots

Il est étonnant de constater à quel point certains attribuent aux mots ‘ recherche ‘ et ‘ innovation ‘ la signification qu’ils aimeraient leur voir attribuer. D’où de déplorables malentendus à propos de
programmes en cours de lancement.

Nombreuses sont les interrogations ou critiques concernant les actions des pouvoirs publics autour de la recherche et de l’innovation. La raison tient dans le fait que chacun cherche à trouver matière à opportunités derrière les
programmes en préparation. Pour la majeure partie des chercheurs du public tout d’abord, recherche signifie ‘ recherche libre ‘, c’est-à-dire définie par les chercheurs eux-mêmes. Il s’agit d’une recherche dont
l’objectif premier est de découvrir des phénomènes nouveaux, sans arrière-pensée d’utilité quelconque à court ou moyen terme. C’est de cette recherche-là dont on parle essentiellement dans le cadre du budget recherche de
l’Etat.Une deuxième recherche, qui n’a que peu à voir avec la première, est la recherche à but utilitaire : cette fois-ci, des besoins précis sont exprimés par des industriels qui demandent que des recherches soient menées dans
telle ou telle direction pour trouver des solutions à leurs problèmes. Il faut alors faire appel à des équipes propres ou externes, éventuellement du public. Cette recherche ‘ industrielle fondamentale ‘ n’est que très peu
développée en France : en effet, nos sociétés supportent en général des charges très lourdes et, quand il faut faire des économies, elles sacrifient souvent en premier lieu les long et moyen termes, qui se trouvent être le propre de la
recherche industrielle fondamentale.La troisième recherche consiste à développer des produits (elle s’appelle souvent ‘ recherche et développement ‘) et est donc normalement exclusivement du ressort des industriels. Développer des produits fait partie de
l’essence même d’une activité industrielle ; elle est à la rencontre des besoins exprimés par des services marketing et des possibilités existantes de laboratoires d’étude. Son importance est directement liée à la
croissance court terme des sociétés.Les récentes ‘ propositions Beffa ‘ concernent avant tout cette recherche-là, puisque c’est elle qui est susceptible de conduire le plus rapidement possible à la création d’emplois, arrière-pensée du président de
la République lorsqu’il a initié le travail de M. Beffa. Mais la création d’emplois sur le long terme sous-entend également un soutien de la recherche industrielle fondamentale car, si les bureaux d’études n’ont pas de
nouveaux outils pour innover, les produits demandés par le marketing ne pourront pas être vendus assez cher sur le marché, critère devenu prioritaire pour tous les produits européens ; il n’y a pas que l’esthétique qui
compte.

C’est l’innovation qui fait vendre, pas la recherche

C’est pourquoi les projets Beffa ont également un volet recherche industrielle fondamentale. Venons-en maintenant à l’innovation. Cette notion est beaucoup plus large que celle sous-entendue par la recherche, et cela est
en général mal compris : l’innovation peut par exemple venir de l’ergonomie d’un produit fini, de l’arrivée d’un nouveau service sur Internet, ou… de la mise en place d’un réseau qui, par ses
performances, peut permettre la naissance de nombreux services innovants.Quand les gouvernements européens ont décidé il y a quelques années que 3 % du PIB de l’Europe devraient être consacrés à la recherche et à l’innovation, les chercheurs n’ont lu dans cette expression que le mot
‘ recherche ‘, bien souvent sous-entendu dans leur esprit ‘ recherche fondamentale ‘. Alors que les initiateurs de cet objectif ont d’abord pensé création de richesses et d’emplois, c’est-à-dire avant tout
innovation.Dans ce cadre, la recherche ne peut être qu’au service de l’innovation. Mais cela ne devrait pas, normalement, avoir de connotation négative pour les chercheurs : il vaut tout de même mieux avoir de nouvelles
opportunités de recherche que pas de propositions du tout.

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Jean-Pierre Della Mussia