Passer au contenu

Rafi Haladjian : ‘ Des choses formidables vont se produire qui feront passer la bulle Internet pour une kermesse ridicule ‘

1994. Naissance de FranceNet, le premier fournisseur d’accès à Internet français. A sa tête, Rafi Haladjian. Le jeune homme de 33 ans a découvert le Web…

1994. Naissance de FranceNet, le premier fournisseur d’accès à Internet français. A sa tête, Rafi Haladjian. Le jeune homme de 33 ans a découvert le Web un an plus tôt, alors qu’il dirige Bottin Sysmark, une
société spécialisée dans les services Minitel. Entre 1994 et 1997, FranceNet défriche et s’essaye à tous les métiers : fourniture d’accès, portail, hébergement, mesure d’audience, commerce électronique… Avant de se
spécialiser dans le développement et l’exploitation d’applications temps réel pour les grands comptes. L’entreprise compte alors des clients prestigieux : BNP, Carrefour, La Redoute…En 2000, FranceNet change de nom, ‘ par coquetterie ‘ selon son fondateur. Elle devient Fluxus et envisage une introduction en Bourse. L’éclatement de la bulle Internet fait capoter
le projet, et Fluxus est finalement racheté par British Telecom en 2001.Deux ans plus tard, Rafi Haladjian quitte le groupe et fonde Ozone. Son ambition : participer à la création d’un réseau ‘ pervasif ‘ en s’appuyant sur la technologie Wi-Fi. Autrement dit
offrir un accès haut-débit en tout lieu, à un prix raisonnable et à partir de n’importe quel appareil.01Net. : A la fin des années 90, l’argent coulait à flot, les valeurs Internet flambaient. Comment avez-vous réagi au sein de FranceNet ?



Rafi Haladjian : On a su garder la tête froide. Un jour, un banquier est venu nous dire que FranceNet valait 4 milliards de francs. C’était absurde. Je trouvais ça malhonnête et immoral de valoir
4 milliards. Moyennant quoi, quelques semaines plus tard, on ne valait plus 4 milliards. Donc, la morale était sauve. Même en 1999, quand il a commencé à pleuvoir beaucoup d’argent dans l’environnement Internet, on a trouvé
ça absurde. FranceNet était une vraie boîte, pas opportuniste. Elle n’a pas été créée pendant la bulle, pour la bulle et à cause de la bulle.Comment avez-vous vécu cette période sur un plan personnel ?


J’en garde d’excellents souvenirs. Il y avait un enthousiasme, une euphorie qui était extraordinaire. C’est vrai qu’il y avait beaucoup de start-up fumeuses, montées par des gens qui étaient limite des
escrocs. Des projets qui n’existaient que sur PowerPoint et pour lesquels on a donné beaucoup d’argent. Mais il y avait aussi beaucoup de gens qui croyaient sincèrement à ce qu’ils faisaient, même si leurs idées étaient parfois
irréalistes. Toute cette émulation était extrêmement rafraîchissante. Tout cela a été corrompu par de l’argent. Pour moi, la bulle Internet, c’est uniquement une histoire financière. Un problème d’investisseurs qui n’ont
pas compris ce qu’était Internet.Qu’est-ce qui vous a le plus marqué ces cinq dernières années dans le développement d’Internet ?


Le phénomène le plus intéressant, c’est le peer-to-peer. C’est un grand tournant dans l’usage. Si on regarde comment on faisait l’Internet jusqu’à récemment, cela reste un
prolongement du Minitel. C’est-à-dire que des fournisseurs mettent du contenu à disposition, et ils attendent les clients. Avec le peer-to-peer, l’utilisateur devient de moins en moins un consommateur, et de plus
en plus un ‘ coproducteur ‘ du contenu.Le peer-to-peer, c’est le retour de la nouvelle économie ?


On assiste à l’émergence d’une économie autosuffisante, qui est viable, et dans laquelle il n’y a pas de business model. C’est ça, la nouvelle ‘ nouvelle économie ‘. Elle est
préoccupante pour une entreprise commerciale, comme la mienne, mais on ne peut pas l’ignorer. Le meilleur exemple, c’est l’échec des mégafusions, Vivendi Universal en France, AOL-Time Warner aux Etats-Unis. Le discours de ces
deux groupes était : ‘ On a le contenu et les tuyaux, on est les maîtres du monde. ‘ Pourtant les deux se sont plantés. Et pendant ce temps, la communauté des utilisateurs de peer-to-peer
disait : ‘ A nous tous réunis, on a encore plus de contenu que les Vivendi-Universal, et on a les tuyaux. ‘ Finalement, le fantasme de Messier s’est réalisé dans le peer-to-peer. Mais au
profit de personne.Après votre départ de British Telecom en 2003, vous avez fondé Ozone et mis en avant le concept de réseau ‘ pervasif ‘. En quoi consiste-t-il ?


Il y a eu deux révolutions ces dernières années. La première, c’est l’ADSL, c’est-à-dire un accès à Internet haut-débit, illimité et bon marché. Le problème c’est que l’ADSL connecte un lieu, pas une
personne. La seconde révolution, c’est la téléphonie mobile qui est très vite devenue la téléphonie personnelle. Mais le débit est faible, l’accès cher et réservé à une seule catégorie d’appareils. Le réseau pervasif, et donc
Ozone, c’est de prendre à ces deux révolutions ce qu’elles ont de meilleur. Offrir à un individu un accès à haut débit partout où il va, à un prix raisonnable et à partir de tout type d’appareil.C’est un projet qui ne verra pas le jour avant des années…


Non. Je crois que cela va arriver très vite, d’ici deux à trois ans. Mais il ne s’agit pas simplement de permettre aux gens de surfer depuis les cafés. Le vrai truc reste à venir. On va découvrir de nouveaux usages, de
nouveaux comportements. Cela va révolutionner la manière dont on fait du business. Il va se passer des tas de choses formidables qui vont faire passer la bulle Internet pour une petite kermesse ridicule.

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Propos recueillis par Stéphane Long