Passer au contenu

Quoi de neuf ?VI ?” L’ouverture de compte

Résumé du chapitre précédent: Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.

Ludovic Martigny présidait la réunion stratégique, la première à laquelle assistaient Arzel Serisy et Gaëtan Larcin, les deux transfuges qu’Euryx avait parachutés chez Prestibank.Le directeur clientèle était dix fois plus agité que le jour où Arzel avait fait sa connaissance. Pour une première séance, ça se présentait mal. Assis au milieu de la table en forme de haricot, le directeur clientèle faisait pivoter son torse dans un sens, puis dans l’autre. Il envoyait promener sa cravate à droite, à gauche. Il jetait les coudes, menaçant Arzel et une certaine Marie-Rachel. Habillée d’une jupe écrue et d’un tee-shirt brodé vert lichen, le chef des opératrices imposait le respect.D’un signe, Arzel avait suggéré à Gaëtan de reculer sa chaise pour échapper aux coups de pieds de Martigny. Il n’avait pas été imité par Alexis Niak, le type au cheveu ras. Comme s’il avait craint leur disparition, le chef de projet de la cellule marketing vérifiait la présence de ses téléphones portables. Son pardessus reposait en bordure de la table.En caressant les plis et les bosses, Niak avait assisté aux présentations avec indifférence. Il paraissait insensible au martèlement de ses tibias, comme intoxiqué par son parfum poivré. L’effluve de Niak électrifiait un peu plus l’atmosphère. Car elle n’irritait pas que les muqueuses d’Arzel, des salves d’éternuements avaient bientôt salué l’entrée en matière de Martigny :” ça ne va pas ! On a tout sacrifié à l’opérationnel, on n’a pas vu venir le danger. On s’est fait distancer. Grave ! Et c’est peu dire. Vous pouvez imaginer ça ? Si je ne me retenais pas, je dirais qu’on l’a dans le cul, les gars ! “À ce moment-là, Arzel avait failli pincer entre ses dents la pointe de la cravate de Martigny. Par étapes, ce dernier avait dégluti sa salive. Avant de se tourner vers la chef d’équipe des opératrices :” Mille excuses, Marie-Rachel ! J’ai rien d’un misogyne, crois-moi ! Mais j’ai le sang chaud, et puis vingt ans de vie commune entre hommes sur les plateformes pétrolières, ça bétonne de foutus réflexes. “Pas chienne (de garde), Marie-Rachel avait hoché la tête. Arzel nota le sourire sarcastique de Gaëtan.” Ce dernier semestre, reprit Martigny, la banque en ligne a attiré 20 % de nouveaux clients chez les challengers, contre 10 % chez nous. La concurrence progresse deux fois plus vite. Nous ne tiendrons pas notre objectif en ouvertures de compte. Il faut réagir. J’ai mon idée là-dessus…”Ayant levé la main, Niak prit la parole :” Il y a une explication, Ludovic. Notre challenger, Banque Directe, a profité de sa campagne média pour nous brûler la politesse. Banque Directe est passée avant nous à la seconde phase du plan stratégique. Nous avions lancé Prestibank en insistant sur la disponibilité et sur son coût avantageux…”Martigny l’interrompit :” C’était le meilleur moyen de se constituer une base de clientèle, Alexis.?” En effet, poursuivit Alexis Niak. Mais souvenez-vous : à notre dernière réunion stratégique, je suggérai d’engager plus tôt la phase 2. Mettons un bémol sur la ” banque en ligne “, vendons Prestibank sur la base de la rémunération des dépôts. La rente d’Euryx est menacée ? Raffinons notre prospection : adoptons la discrimination compétitive ! ” u La semaine prochaine : ” Le cannibalisme en question “* écrivain. Journaliste, écrivain, ancien éditeur. Dernier ouvrage paru : ” Caïn et Abel avaient un frère ” (L’Olivier Édition).

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Par Philippe Delaroche*