Résumé du chapitre précédent :
Recommandé par un mystérieux ” top manager “, Arzel Serisy est nommé à la direction clientèle de Prestibank, banque en ligne du groupe Euryx-Bartabas. Une promotion semée d’embûches. Car de cet univers, si différent de celui qu’Arzel a connu comme chef du contentieux, il lui faut maîtriser le langage.Gaëtan était lancé. Il s’expliqua. Lui aussi était à un tournant de son existence, mais il ne représentait pas le prospect idéal. Oh, que non ! Niak aurait perdu son temps avec un type comme lui. Il n’était pas dans la cible. Il n’avait aucune envie de changer de banque, il lui tardait de prendre la mer sur son quillard. Martigny le laissa poursuivre.
Le directeur clientèle de Prestibank devait être sous le charme. Sans doute se sentait-il bercé par le clapot au moment de l’appareillage. Il avait étendu les bras à la façon de l’albatros.Gaëtan pria qu’on lui pardonne sa digression, mais il en avait ras la frange. Longtemps, il avait attendu de la direction une réponse à sa demande de congé sabbatique. Un engagement précis. Pendant deux ans, on ne lui avait dit ni oui ni non. Personne n’avait idée de la cruauté de la situation. Le mois dernier, il avait eu simplement l’accord de principe.Satisfaction cher payée. De son poste au contentieux, il avait été chassé le jour d’après. Il eut un mouvement d’épaule, signifiant qu’il prenait Arzel à témoin. Ce dernier grimaça dans l’espoir de le stopper. Rien n’y fit.
La direction avait invoqué le basculement du système d’information clientèle, suggérant que lui, Gaëtan, aurait pu y faire obstacle. Sournoise insinuation ! S’il était réellement aussi abruti qu’on le faisait croire, pourquoi l’avait-on muté dans les cages de verre de Prestibank ? Parmi ” les rats du back-office “, il était à l’aise. S’était-il plaint de son sort ? Jamais. Il savait compenser, solder, reporter, rapprocher, consolider, mettre en demeure, archiver, etc.Mais, ” dites-moi un peu ” ce qui justifiait une mutation à la banque en ligne… Ça puait la rétorsion. Car, pour le coup, il ne connaissait rien à l’Interné, rien à l’Extrané, rien à l’Intrané. Il ignorait tout de la Géhercé, la gestion de la relation client. Il n’était pas mobile, il n’était pas flexible, il n’était pas relationnel. Il continuerait de fumer la pipe. Il emmerdait l’an 2000, l’outsourcing, le piercing et le marketing. Tout ce qu’il voulait, c’était être traité avec dignité.Le directeur des ressources humaines aurait déjà dû l’informer de la date de ” prise d’effet ” de son congé sabbatique. Le mot ” effet “, il le répéta, il s’en saoula.
Autour de Martigny, personne n’avait vu un collaborateur mobiliser aussi longtemps l’attention sur sa situation personnelle. Et pourtant, de son audace, Gaëtan se foutait royalement. Niak cessa de caresser son pardessus. Par d’irrésistibles battements de paupière compassionnels, Marie-Rachel manifesta son appui à Gaëtan.Avec des gestes dont il ne soupçonnait pas qu’ils lui venaient de son père officier de cavalerie, Martigny arrangea sa mise. Il glissa la pointe de sa cravate derrière la boucle de sa ceinture. Puis il l’introduisit entre deux boutons de chemise. Il éprouvait l’élasticité de ses bretelles avec ce sourire réjoui que les fonctionnaires du budget surprenaient chez Michel Charasse pendant la collecte du tiers prévisionnel lorsqu’il reprit enfin la parole :” Inutile de vous excuser, monsieur Larcin. Vous serez utile au marketing, à la prospection. Si, si ! Vous devinez pourquoi, Alexis ?
?”Je crois bien, Ludovic. Nous tenons le cobaye idéal. Monsieur est un techno-convertible. Cest cette population que nous démarchons en priorité. “
La semaine prochaine : ” Volatilité du gourou “
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