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Quoi de neuf ? II – Mauvais rêve

Arzel se sentait cotonneux. Il n’était qu’à 10 % de sa vivacité habituelle. Il avait rêvé d’un voyage aux Philippines… au même moment, il était convoqué par le DRH.

Résumé du chapitre précédent :Arzel Serisy était loin d’imaginer que son avenir prendrait un tel tournant… Alors qu’il rêvait d’un congé sabbatique, on lui proposa le poste d’adjoint au directeur de la relation clientèle chez Prestibank.Gérard Guingois, directeur des ressources humaines d’Euryx- Bartabas, pointa en direction d’Arzel Serisy la flèche de sa cravate imprimée aux couleurs sang et or du nouveau groupe : “Sachant quelle image se font de nous les gens de Bartabas, reprit le petit homme rond, vous devinez qu’ils vous accueilleront avec méfiance chez Prestibank. Vous voyez où je veux en venir ?” Arzel clignait des yeux depuis un moment. Il se sentait cotonneux. Il s’était réveillé avec la sensation d’avoir passé la nuit ailleurs que dans son lit, très loin de sa femme Élodie. Quelques heures s’étaient écoulées, depuis. Mais il n’était encore qu’à 10 % de sa vivacité habituelle. Et Guingois l’avait déjà surpris en flagrant délit d’inattention.”Je l’ai entendu dire, fit Arzel. Chez Bartabas, ils ont du mépris pour les banques de détail.?” Comment ça, du mépris ? Guingois avait failli s’étrangler. S’étant avisé que, somme toute, il était payé pour faire régner un ordre convivial à l’intérieur d’un seul et même groupe, il baissa d’un ton.?” Rappelez-vous le coup de théâtre qu’avait été la fusion Euryx-Bartabas. Quelle blessure d’amour-propre ! Ils s’attendaient à ne faire qu’une bouchée d’Euryx, et c’est Euryx qui, à la surprise générale, les a rachetés.?” Oh, j’ignore si c’est toujours le cas. Ce commentaire absurde, Arzel l’avait laissé échapper sans l’avoir médité. D’un coup, le songe de la nuit passée s’était mis à défiler dans sa tête.?” Pardon, monsieur Serisy ?”Arzel avait rêvé d’un voyage aux Philippines. Il s’attardait au-dessus d’un lavabo des toilettes de l’aérogare de Manille quand avait éclaté l’incident. Les flics ne lui avaient pas laissé le temps de se retourner : Alfred Sirven décollait une fesse de la cuvette des WC lorsqu’ils l’empoignèrent sous les aisselles. Le vieux fugitif avait tenté de s’arc-bouter aux montants de la cloison. Sans succès. Ils avaient conduit le bougre à l’écart. Ils lui avaient passé les menottes. Dans l’intervalle, avait surgi une femme de ménage vêtue d’une salopette rose. Abandonnant son chariot dans le passage, elle s’était dirigée vers la cabine que venait de quitter Sirven. Arzel l’avait entendu pousser le verrou. Tout en fouillant ses poches à la recherche de sa carte d’embarquement, Arzel n’avait pas pu détacher son regard de la porte. Il avait perçu le frottement de la serpillière sur le carrelage… La femme était ressortie avec son seau et son balai. C’est en la voyant s’esquiver au pas de course et sans son chariot qu’il avait deviné son manège. Cette femme de ménage-là avait bien trop de vélocité dans les jambes et bien trop de poils au menton. C’était un enquêteur de la police scientifique, un agent de renseignement ?” sûrement pas un inspecteur Clouzot, en dépit du rose de la salopette. Pour Arzel, ce type-là avait recueilli les selles de celui qui, la veille, s’était goinfré la puce GSM de son téléphone portable. Dans quel état l’avaient réduit les sucs gastriques, la question demeurait entière. Certains lecteurs permettent de visualiser sur l’écran d’un PC les numéros et les messages conservés dans la puce, mais peut-on faire encore parler de la puce d’un terminal au stade terminal ? On avait connu les avaleurs de sabres et les masticateurs de verre Securit. Pourquoi pas le dégustateur de silicium ?” En toute dernière extrémité, c’est quelque chose qui peut se faire. ” C’était la voix de Guingois. Arzel réalisa que le DRH d’Euryx-Bartabas répondait à une question qu’il ne se souvenait pas lui avoir posé, et dont il ignorait le contenu.”Je vous remercie de votre compréhension, fit Arzel Serisy. J’accepte avec plaisir de rejoindre Prestibank.“Prochain chapitre : Le client est cerné

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Philippe Delaroche, journaliste, écrivain, ancien éditeur. Dernier ouvrage paru : " Caïn et Abel avaient un frère " (L'Olivier édition).