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Quid des marchés ? C’est le flight to stupidity

Comment expliquer un CAC 40 inférieur à 2 700 points alors qu’à l’exception de France Telecom et de Vivendi, les résultats de la majorité des 40 premières entreprises françaises sont meilleurs que prévu.

Depuis 1997, nous nous étions habitués au flight to quality
(*), apparu lors des nombreuses crises des pays émergents depuis 1997. Il s’est notamment traduit par une réallocation des flux d’investissement des places émergentes vers celles des pays développés, mais aussi des marchés actions vers les marchés obligataires. Plus récemment, le dégonflement de la bulle de la nouvelle économie et l’accroissement des incertitudes géopolitiques internationales ont suscité une débâcle boursière exceptionnelle qui s’est notamment traduite par un flight to security, également appelé flight to liquidity, dans la mesure où il se traduisait par un afflux de capitaux vers les placements monétaires, expliquant en partie l’appréciation de l’euro depuis le printemps dernier. Parallèlement, un nouveau flight vers les marchés obligataires s’est observé, entraînant les taux d’intérêt à dix ans américains vers des niveaux historiquement bas.Si, pour l’essentiel, l’ensemble de ces mouvements peut se comprendre et s’analyser, la nouvelle débâcle des marchés boursiers, et notamment du CAC 40 depuis septembre tient plutôt du flight to stupidity. En effet, comment peut-on expliquer un CAC 40 inférieur à 2 700 points alors qu’à l’exception de France Telecom et de Vivendi Universal, les résultats de la majorité des quarante premières entreprises françaises résistent et sont souvent meilleurs que prévu ?De même, comment comprendre que ces mêmes entreprises soient massacrées en Bourse, alors qu’elles ont réduit leurs coûts massivement tout en bénéficiant d’une bonne tenue de la consommation et des exportations hexagonales ?Enfin, comment expliquer que la capitalisation d’Alcatel soit d’environ 3 milliards d’euros, alors que sa trésorerie est d’un montant similaire ? Même si certains vont essayer de trouver des réponses ad hoc à ces questions, nous préférons (comme d’habitude) jouer franc jeu :Non, nous ne pouvons pas expliquer économiquement une telle débâcle, qui devient tout simplement irrationnelle.

Le CAC 40 atteindra-t-il son palier?

Il faut se rendre à l’évidence : les investisseurs ne regardent plus les fondamentaux économiques, hormis lorsqu’ils délivrent un message négatif. Ils préfèrent, certainement à juste titre dans le contexte actuel, suivre de façon moutonnière les orientations du chartisme. À cet égard, puisque cette analyse reste la seule encore, a priori, valable sur les marchés boursiers, il faut souligner qu’elle nous dit que 2 600 est un palier difficilement franchissable pour le CAC 40 et constitue par là même un signal d’achat majeur. Ce qui n’a d’ailleurs pas manqué de se réaliser depuis le plancher de 2 666 atteint le 24 septembre.

Une intoxication à grande ampleur

Voilà où nous en sommes réduits : abandonner nos modèles de valorisation boursière basés sur les fondamentaux économiques et financiers (croissance, inflation, taux d’intérêt) pour une simple règle d’analyse technique, dont la validité tient principalement au comportement mimétique des investisseurs. C’est ainsi : il faut attendre que la tempête daigne s’achever avant de retrouver une certaine sérénité, c’est-à-dire une meilleure connexion entre la réalité économique et l’évolution des marchés boursiers.Une seule chose est sûre cependant : dans le contexte récent de débâcle boursière, où des sociétés viables voient leurs cours boursiers fondre sans raison valable, des investisseurs, qui ont à la fois une masse financière notable et un horizon de placement assez long, sont en train de “faire les soldes”. Il est donc clair que dans quelques mois ou trimestres, une fois que la “question irakienne” aura été réglée, un nouveau visage du capitalisme français mais aussi mondial se fera jour. On se rendra alors enfin compte de l’ampleur de l’intoxication que nous sommes en train de subir.(*) Phénomène de refuge vers des placements les moins risqués : emprunts dÉtats, obligations, etc.**Chef économiste de Natexis Banques Populaires

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Marc Touati**