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Qui s’explique s’excuse, et qui s’excuse s’accuse

L’affaire Vivendi a beaucoup tourné autour de M. Messier et de ses errements. Mais la faute est collective, imputable à de nombreux cadres et administrateurs de l’entreprise, notamment à ceux qui essaient de se blanchir aujourd’hui.

Jeudi 31 octobre, le Wall Street Journal publiait une très intéressante enquête sur le ” pétage de plombs ” de Jean-Marie Messier. Titré

How Messier kept cash crisis at Vivendi hidden for months
[Comment Messier a caché le crise financière de Vivendi pendant des mois] [L’accès à ce lien est réservé aux abonnés, NDLR].Quand on apprend ?” en plus de tout ce que l’on sait déjà ?” que Messier pensait à un moment racheter NBC ou encore EuropatWeb, le fonds d’investissement Internet de Bernard Arnault, on rigole doucement deux secondes. Juste avant de se rappeler que c’est avec l’argent de la moitié des boursicoteurs français que Messier a fait joujou…Mais le plus important n’est pas là. Non, il se trouve dans les ” justifications ” de Guillaume Hannezo, le directeur financier de Vivendi, et dans celles de ses administrateurs. “Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne “, affirmait Chevénement en son temps. Cette maxime, Guillaume Hannezo aurait dû la faire sienne depuis longtemps. Et encore plus aujourd’hui.Il affirme avoir alerté J2M des dizaines de fois sur le risque de banqueroute de Vivendi. Et même avoir envoyé un mail, quelques jours avant Noël 2001, demandant que l’affaire n’engendre pas un sentiment de ” honte totale “. Bon, très bien, Guillaume Hannezo a donc moins ” pété les plombs ” que son patron. OK.Mais comment a-t-il pu rester directeur financier de Vivendi pendant encore neuf longs mois alors qu’il connaissait ?” et désapprouvait ?” la situation ? Et il voudrait aujourd’hui être absous des péchés qu’il a indirectement justifiés en restant en poste !Quant aux administrateurs de Vivendi, leur position est encore moins défendable. Dans l’enquête du Wall Street Journal, ils s’excusent de n’avoir rien compris à ce que Messier leur racontait et ?” donc ?” de n’avoir pas vu le désastre arriver. Et pour se faire pardonner, les voilà qui sortent des justifications toutes plus grosses les unes que les autres.Tout d’abord, Messier leur parlait en anglais et la traduction dont ils bénéficiaient était tellement monotone que cela les endormait. Désolé, mais c’est à mourir de rire ! Ah, ils sont beaux nos grands patrons français : ils dirigent des groupes internationaux, mais ils ne comprennent pas l’anglais ! Ça va faire du boulot pour les organismes d’apprentissage des langues étrangères.Deuxième énormité : Messier parlait en euros et en dollars, les deux à la fois, et il mélangeait tout. Du coup, eux, ils étaient perdus. Alors non seulement ils ne parlent pas anglais, mais en plus ils ne savent pas compter ? Non, là c’est trop gros…Conclusion : entendons-nous bien, Messier a fait un lot de ” conneries ” pas possibles. Certes. Mais de là à en faire le bouc émissaire de cadres de Vivendi ou d’administrateurs qui ont entériné sa politique de A à Z, c’est un peu beaucoup.Comme chez Enron, tout ce beau monde est plus ou moins ?” chacun à sa mesure ?” coupable et donc comptable de ce qui est arrivé. La seule différence entre Vivendi et Enron, c’est que les 200 000 employés de Vivendi nont pas encore (trop) payé les pots cassés des folies de leurs patrons. On leur souhaite que ça dure, y compris pour ceux qui vont se retrouver chez Hachette ou chez Vodafone par le biais des cessions.Prochaine chronique jeudi 21 novembre

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Alain Steinmann