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Qui se cache derrière les « faux artistes » que Spotify met en avant dans ses playlists ?

Plusieurs compositeurs ont confirmé travailler sous pseudonyme pour Spotify. Une entreprise proposant de la musique libre de droits lui fournirait également des œuvres. Hasard ou coïncidence, les deux sociétés partagent le même investisseur.

Qui se cache derrière le terme de « faux artistes » ? C’est la question que les abonnées à Spotify et la presse se posent depuis l’apparition de cette polémique. Le site de streaming est en effet accusé de diffuser et d’inclure dans ses playlists les plus populaires des chansons commandées directement auprès d’artistes sous pseudonymes.

Ces œuvres permettraient à Spotify de ne pas payer de royalties sur leurs écoutes. Par effet mécanique, la société verserait ainsi moins d’argent aux ayants droit des artistes produits par les majors ou les labels indépendants. Spotify est également accusé de tromper ses abonnés en leur proposant une musique composée au kilomètre, à l’intérêt artistique limité. Le plus souvent des morceaux de piano instrumentaux.

Des artistes déjà présents sur Soundcloud ou… Spotify

Une polémique suffisamment importante pour qu’une grande partie de la presse spécialisée (tech et industrie musicale) enquête encore plus en profondeur sur le sujet. The Verge a ainsi retrouvé certains des artistes qui ont composé ces morceaux. C’est par exemple le cas du Suédois Andreas Aleman, compositeur, chanteur et claviériste. Il publie sur Spotify de la musique sous son vrai nom, avec pas moins de quatre albums. Mais il a aussi produit des morceaux sous plusieurs des cinquante pseudonymes publiés en fin de semaine dernière par Music Business Worldwide.

Magnus Folke, un autre Suédois, publie sur SoundCloud quelques compositions originales. Ce professeur de piano utilise lui aussi plusieurs pseudonymes pour ses morceaux de piano publiés exclusivement sur Spotify. Mais pourquoi veulent-ils rester anonyme lorsqu’ils produisent de la musique pour le site de streaming ?

Un débouché pour les musiciens qui ne sont pas des stars

L’un d’entre eux témoigne sous anonymat : « Je n’ai jamais eu l’intention de devenir un artiste. Je ne joue pas sur scène et je n’ai pas besoin ni ne recherche la publicité. Je suis un compositeur avec des goûts très larges et des compétences multiples. C’est un débouché artistique pour moi ». Il précise qu’il possède déjà une discographie conséquente et ne veut pas que ses travaux pour Spotify se fassent à son détriment. C’est pour cela qu’il compose pour le service sous pseudonyme.

Mais l’exemple le plus intrigant est certainement celui d’un duo. Music Business Worldwide donne ainsi l’exemple de plusieurs morceaux composés par les Suédois Adreas Romdhane et Josef Svedlund. Ce duo est plus connu sous le nom de Quiz & Larossi et travaille avec de nombreux artistes populaires, d’Atomic Kitten à The Pussycat Dolls, en passant par l’ex Spice Girl Geri Halliwell.

Un business très suédois

Les lecteurs attentifs auront remarqué l’origine suédoise de tous ces artistes, la même que Spotify. C’est aussi la nationalité d’un autre acteur de cette histoire, la société Epidemic. Depuis la Suède, elle fournit à ses clients de la musique libre de droits. Ceux qui font appel à ses services ne payent donc qu’une fois la prestation, sans avoir à reverser des droits à chaque diffusion de la chanson.

Epidemic ne paye de son côté qu’une seule fois les artistes, à la livraison des œuvres. D’après une source de The Verge, Spotify ferait appel à cette société pour remplir ses playlists quand il n’a pas assez de chansons dans un style particulier. On ne sait pas clairement comment Spotify rémunère Epidemic et les autres artistes. Certains évoquent l’achat d’une prestation, tandis que d’autres affirment que les revenus sont partagés avec les compositeurs, comme cela se fait habituellement.

Reste que la collaboration entre Spotify et Epidemic semble être tout sauf une coïncidence. Comme l’explique Music Business Worldwide, le principal fonds d’investissement suédois Creandum a investi cinq millions de dollars dans Epidemic en 2014. En 2007, il fut l’un des premiers soutiens financiers du service de streaming, alors en phase de lancement. Ce n’est donc pas pour rien que la page d’accueil du site de Creandum affiche une photo de Daniel Ek, fondateur de… Spotify.

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Jean-Sébastien Zanchi