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Quand l’expérience vaut diplôme

Le système de Validation des acquis de l’expérience (VAE) permet de convertir en diplôme les savoir-faire d’un métier appris sur le tas. Une belle revanche pour les autodidactes.

Il n’a pas le baccalauréat, mais vient d’achever un DESS Ingénierie des réseaux et systèmes à l’Université de Versailles-Saint-Quentin. À 39 ans, Nicolas Katchourine s’est même offert le luxe de sortir major de sa promotion. Un petit miracle permis par la Validation des acquis professionnels (VAP), un dispositif qui autorise la conversion d’une expérience professionnelle en diplôme. Mis en place en 1985, dans sa première mouture, la VAP s’est affinée en 1992, puis en 2002, pour devenir VAE, Validation des acquis de l’expérience.Au passage, le salarié s’est vu offrir la possibilité non plus seulement de s’inscrire à une formation sans avoir les diplômes normalement requis pour la suivre (VAP 85, celle suivie par Nicolas Katchourine), mais aussi d’être dispensé de passer une partie (VAP 92), voire tous les examens (VAE 2002) s’il justifie d’au moins trois ans d’expérience professionnelle ou bénévole dans un secteur en rapport avec le diplôme convoité.

Des compétences à la pelle

Une seconde chance en quelque sorte pour les autodidactes en mal de reconnaissance ou de mobilité professionnelle. Successivement programmeur, analyste programmeur, ingénieur système et chef de projet, Nicolas Katchourine est de ceux-là. Jusqu’à septembre dernier, le CV ne brillait pas par les diplômes ?” l’homme a tout de même suivi deux formations de six mois en programmation ?” mais démontrait une impressionnante palette de compétences, développées notamment chez son actuel employeur, le courtier en assurances Diot. Introduction de la micro-informatique dans l’entreprise (au milieu des années quatre-vingt), développement d’applications clients-serveurs et de bases de données relationnelles, expertise sur les réseaux… il a touché à tout. “J’ai réussi à me faire une jolie place chez Diot, ainsi qu’un bon salaire, mais je sentais qu’il me serait désormais difficile d’évoluer, notamment en externe”, remarque Nicolas Katchourine, qui ne cache pas son ambition de devenir DSI. L’informaticien a déjà testé son profil auprès de quelques SSII, et constaté que ses 17 ans d’expérience professionnelle ne suffisent pas à convaincre : “Les bras m’en tombaient car au mieux, on me disait que je pouvais prétendre à un poste de niveau bac +2 !” Les recruteurs ne jurent que par le sacro-saint diplôme : il faut reprendre le chemin de la fac. Ou celui du centre d’apprentissage : la VAE s’applique à toutes les formations listées dans un répertoire national des certifications encore en devenir, et couvre d’ores et déjà toute une série de titres délivrés en dehors de la zone d’influence de l’Éducation nationale.Pour l’heure, c’est l’enseignement professionnel qui joue le plus clairement le jeu : en 2001, 4 500 personnes ont bénéficié d’une VAP 1992 pour obtenir un diplôme de niveau CAP à BTS, contre 2 200 à l’université ou au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) ?” mais 13 800 VAP 85 ont été accordées. Des chiffes plutôt faibles comparés aux quelque 570 000 diplômes délivrés chaque année par l’Éducation nationale.

Un lourd processus

Au ministère, on reconnaît que la marge de man?”uvre est grande, et que le dispositif n’est pas suffisamment connu, notamment des entreprises. De fait, la VAP est souvent une démarche individuelle du salarié… et un parcours du combattant ! Soucieux de ne pas “brader” ses diplômes, l’État a suspendu l’accès à la VAP à la constitution d’un lourd dossier ?” description des activités professionnelles, détail des projets développés, responsabilités assurées, diverses compétences acquises ?”, qu’il faut défendre devant un jury. “Ce dossier peut être décourageant, et le jury traite souvent les candidats en étudiants et non en salariés”, remarque Bernard Bergé, directeur du Fonds de gestion du congé individuel de formation (Fongecif) de Midi-Pyrénées, pionnier dans l’expérimentation de la VAE.L’homme plaide pour davantage de moyens dans les centres de formation et les universités pour accompagner les candidats dans leurs démarches. Et rappelle que les valeureux, parvenus avec succès au terme du processus, ont amélioré leur situation professionnelle.

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Sophie Janvier-Godat