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Quand le numérique pousse à la roue

Les cartes numériques des sols agricoles sont précieuses. Véritables radiographies, elles permettent d’ajuster localement la quantité de graines ou d’engrais nécessaire.

Hier, il a plu abondamment. Anaël Favard, bottes aux pieds, est prêt pour la démonstration. Il enfourche un quad, ce petit engin tout-terrain à quatre roues, auquel est accrochée une drôle de remorque rouge composée de quatre paires de roues dentées.En réalité, le jeune développeur en informatique s’apprête à cartographier une parcelle agricole. Le but : faire des relevés des sols, véritables cartes au trésor pour l’agriculture de précision. On détermine grâce à elles les zones homogènes d’un champ. Au lieu d’un dosage identique sur toute la parcelle, fondé sur le rendement moyen, elles permettent d’affiner localement l’apport de graines ou d’engrais.Des gaines en plastique blanc protègent les câbles de l’humidité et courent le long du châssis métallique. Au-dessus du guidon du quad, un petit ordinateur équipé d’une carte d’extension pour enregistrer les données, est fermement maintenu par une lanière en plastique. Placé plus à l’avant et soigneusement protégé dans une boîte, le résistivimètre attend d’entrer en action.

Le résultat s’affiche en temps réel

La technique repose en effet sur la résistivité. Selon la composition du sol, plus ou moins argileux ou crayeux, et son degré d’humidité, la terre ne laisse pas passer le courant électrique de la même façon. Une particularité précieuse : en mesurant cette “résistance” à l’électricité, on déduit les zones de rétention d’eau, la profondeur de terre utile et la composition du sol.L’engin s’élance et décrit d’abord le contour du champ. La cartographie d’une parcelle commence toujours par sa délimitation. Habituellement, les mesures sont effectuées entre les dernières moissons et les premiers semis, lorsque le sol est dégagé. Puis le quad parcourt régulièrement la totalité de la surface, comme un tracteur trace les sillons de semis.Toutes les 20 secondes, le résistivimètre ordonne l’envoi d’un courant électrique. Celui-ci atteint le sol par l’intermédiaire de la première paire de roues dentées. Les trois autres paires servent de récepteur : chacune correspond à une profondeur, proportionnelle à l’écartement des roues. Pendant ce temps, l’écran d’ordinateur affiche en temps réel les résultats des mesures et la position relevée par le système GPS, cette curieuse boule jaune qui domine la scène. Toutes les informations sont enregistrées au fur et à mesure sur la carte d’extension.

Trois cartes pour trois profondeurs

La prise de mesure effectuée, la carte est transférée dans l’ordinateur qui sert aux calculs. Après traitement par une série de logiciels développés par l’équipe de la société Geocarta, le résultat est affiché sous forme de trois cartes correspondant à trois profondeurs (0,5 m, 1 m et 2 m). “Comme en radiologie, notre but est de fournir la meilleure image possible”, précise le directeur scientifique. Des taches colorées qui ressemblent fortement à un scanner médical. L’image est d’ailleurs transmise à un spécialiste des sols, le pédologue, qui étudie la composition des terres. En cas de doute sur une tache surprenante, il décide de prélèvements supplémentaires sur le terrain.Puis la carte est affinée et transmise à l’agronome. A charge pour lui d’émettre un diagnostic et de définir la marche à suivre pour soigner la future récolte. A la coopérative Epis-centre de Bourges (Cher), où on teste le système de cartographie depuis plus d’un an, les résultats sont encourageants. Le gain de marge, après déduction de l’amortissement des investissements, atteint 30 euros (200 francs) à l’hectare. Avec de tels chiffres, l’agriculture de précision a un bel avenir

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Olivier Lapirot