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Quand Barack Obama était menacé par des logiciels d’analyse de texte

Des républicains ont tenté de prouver à l’aide d’outils informatiques que son autobiographie était l’?”uvre d’un terroriste gauchiste.

Une campagne high-tech au XXIe siècle, ce sont des e-mails, des SMS, des sites Web, des dons en ligne, des blogs, des vidéos sur YouTube. Mais pas seulement. Le sénateur Barack Obama, futur nouveau président des Etats-Unis,
pourtant très au fait de ces nouveaux usages, a bien failli se faire piéger par des logiciels d’analyse lexicale dans les dernières heures de sa campagne.C’est ce que raconte Peter Millican, universitaire anglais à Oxford, spécialisé en philosophie, dans une histoire abracadabrante publiée dans le Sunday Times du 2 novembre
(et aussi sur son site Internet).Il y a trois ans, Peter Millican travaillait à l’université de Leeds sur la manière d’utiliser l’informatique pour enseigner la philosophie. Dans ce cadre, il a conçu plusieurs programmes d’analyse de texte. L’un d’eux, appelé
Signature, permet de repérer les tournures de phrase, les longueurs de mots, les expressions, les constructions les plus fréquentes, afin d’identifier le style de l’auteur.En reproduisant la même opération sur un autre texte, on peut éventuellement s’apercevoir de plagiats, d’emprunts, voire découvrir que l’auteur de tel texte a aussi rédigé tel autre texte jusque-là anonyme ou signé d’un pseudonyme, ou
qu’untel est le nègre de tel écrivain. Et c’est ce qu’ont voulu faire les républicains.

La marionnette d’un terroriste

Tout à leur enthousiasme d’avoir dégoté un vague lien entre Barack Obama et Bill Ayers, terroriste gauchiste américain des années 1970, ils ont voulu aller plus loin. Ils comptaient faire croire que l’autobiographie de
Barack Obama publiée en 1995, Les Rêves de mon père, avait en fait été rédigée en sous-main par… Bill Ayers. Comprenez : Barack Obama serait la marionnette d’un terroriste.C’est un certain Jack Cashill, écrivain républicain, qui a lancé l’idée, en prétendant que le livre d’Obama et celui de Bill Ayers (qui date de 2001) comportaient nombre de similitudes de style. Cashill, aidé d’amis et de
consultants, s’est lancé dans plusieurs analyses comparées (disponibles sur le site de Peter Millican), mais sans résultat probant.Il en est alors arrivé à utiliser Signature et d’autres logiciels, comme FictionFixer. Cashill et ses consultants ont analysé la longueur des mots, leurs fréquences, et en ont tiré des statistiques. Mais ces critères restaient
insuffisants (il est facile de trouver les mêmes fréquences de mots et d’expressions dans des textes contemporains l’un de l’autre) pour prouver qu’Ayers se cache derrière Obama.C’est alors que, fin octobre, un certain Bob Fox, proche d’un élu républicain de l’Utah, contacte Peter Millican pour qu’il mène une nouvelle expertise avec son logiciel mis à jour, plus puissant, plus fin. Et propose à
l’universitaire de le payer. Millican, en accord avec l’université d’Oxford, accepte, a une condition : que les résultats de l’enquête soient publiés, qu’ils confirment ou qu’ils infirment ce qu’en espèrent les républicains. Et que, par
conséquent, les démocrates puissent y avoir accès. Peter Millican était prêt, son logiciel remis à niveau ronflait déjà… mais ni Cashill ni les républicains n’ont plus donné signe de vie.

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Arnaud Devillard