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Pragmatique ennui

Le monde de la high-tech a délaissé toute vision, toute théorie, pour ne plus parler que d’aujourd’hui et du terrain. Quelle barbe…

Les entreprises high-tech se plairaient-elles à se comporter comme des enfants ? Leur reproche-t-on un excès qu’aussitôt elles en commettent un autre exactement à l’opposé. C’est évidemment le cas de leur valorisation : aux estimations les plus délirantes ont succédé d’évidentes sous-évaluations. Combien d’entreprises high-tech valent aujourd’hui moins que ce qu’elles ont en banque ?C’est aussi le cas de leur communication : on leur reprochait de trop parler d’après-demain ? Voici maintentant qu’elles n’osent même plus parler de tout a l’heure ! Pourtant, il y a deux ans, vous ne pouviez rencontrer une entreprise du secteur sans qu’elle vous raconte comment ses produits (encore inexistants, mais ce n’était qu’un détail…) allaient révolutionner l’économie d’ici à 2004.A l’appui de ces affirmations, on trouvait toujours un analyste enthousiaste qui, en trois chiffres et deux diapositives PowerPoint, vous convainquait qu’aucune entreprise au monde ne saurait bientot survivre sans ce nouveau produit.Posiez-vous des questions sur ce que les entreprises faisaient vraiment, concrètement, en attendant de se rallier à ce nouveau modèle ? On vous répondait avec un peu d’embarras qu’elles avaient encore beaucoup de retard dans leur appréhension des problèmes. Sous-entendu : “Elles achètent encore mes vieux produits, ce qui n’intéresse personne ?” sauf mon directeur financier !”Puis vint la crise. Soudain plus personne ne voulait payer pour des promesses : on voulait voir, toucher, évaluer, comparer. On voulait du TCO [coût total de possession], du ROI [retour sur investissement], du cambouis et du dollar, et non des plans sur la comète avec une probabilite de 0,7.Du jour au lendemain, on baillonnait les analystes, on les ficelait et on les rangeait dans un placard fermé a triple tour, et, à la place, on exhibait des clients exemplaires et ravis, d’autant plus diserts qu’ils savaient, eux, combien leur avait rapporté leur temoignage. Au début, tout le monde était ravi : c’était nouveau, ça changeait, et on voyait enfin fonctionner ce dont on nous parlait en théorie depuis si longtemps.Mais c’est rapidement devenu trop systématique, exclusif et fastidieux. Il n’y en avait plus que pour ces clients trop contents ; on a fini par se lasser. D’autant plus que, aussi impressionnante qu’elle était, la pratique était souvent bien moins ambitieuse que la théorie. Entre une réalité un peu terne et des visions avant-gardistes, on avait prodigieusement reculé dans le temps…Quel ennui, alors, de suivre ces conférences, de lire ces articles ou ces communiqués qui semblaient radoter. Mais le bout du tunnel est peut-être proche : les analystes n’auraient pas tous disparu. On en aurait revu, certains évoquant même la stratégie des entreprises en 2006. Ouf… on va de nouveau pouvoir sourire de leurs prédictions !* Rédacteur à 01 InformatiqueProchaine chronique jeudi 31 octobre

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Jean-Baptiste Dupin