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Pourquoi la high-tech réduit le temps libre

La fatigue n’est plus proportionnelle à la durée du travail, elle est le résultat de ‘l’ergostressie’.

Dans la société industrielle, il est possible de dire que le travail est l’activité qui se déroule sur le lieu de travail, lieu qui regroupe les outils professionnels, en général lourds et fixes. C’est pourquoi depuis le xixe siècle, on a pris l’habitude de distinguer des lieux et des temps de travail, de vie familiale, de consommation, de formation, etc. Chaque ville a dressé un POS, indiquant clairement les zones industrielles, d’habitation ou commerciales. C’est dire que notre culture sociale repose sur une distinction des activités par des lieux et des temps différents. Dans notre tête, nous avons zoné nos vies comme nous avons zoné nos villes.Aujourd’hui, tout change. Parce que le lieu de travail est l’endroit même où nous portons sur nous des outils, il n’est plus possible d’assimiler temps de présence sur le lieu de travail et temps de travail. Par ailleurs, outils professionnels et domestiques se ressemblant, les frontières entre le travail et les autres activités s’estompent.Pour les cadres, les enquêtes récentes montrent le développement des nouvelles formes de travail nomade et l’éclatement du lieu de travail : bureau, domicile, restaurant, train, locaux des clients, voiture, hôtel, avions, aéroports, gares, etc.Le développement de la net économie ne veut pas dire que la société industrielle disparaît. Le temps de travail contractuel reste un indicateur opérationnel de mesure du travail, car il faudra toujours fabriquer des écoles et des hôpitaux, construire des ponts, forer des puits et distribuer de l’eau. Mais l’émergence, à côté de la société industrielle, d’une société de l’information accroît la diversité des conditions de travail, et va nous obliger à créer des méthodes pour répondre à la question omniprésente dans les rapports sociaux : ‘Où commence, où finit le travail ?’Il est plus important pour chaque salarié d’évaluer son temps professionnel complet que de comptabiliser son temps de travail. Ce temps professionnel complet est au temps contractuel ce que, en comptabilité, le coût complet d’un produit est au coût direct. Pour l’évaluer, le salarié doit regrouper les temps liés à son activité professionnelle quels que soient le lieu et le moment (travail au bureau, transports, repas, utilisation de téléphone mobile et messagerie, lectures de journaux, temps de préoccupation à domicile, etc.).Cette mesure permet à chacun d’être lucide sur la répartition entre ses temps personnels, sociaux et professionnels, car son bien-être en dépend. Avec elle, on peut prendre conscience des conséquences de la tendance qu’ont des entreprises à inciter les salariés à se former, à domicile, aux nouvelles technologies (en mettant un PC à leur disposition, par exemple).Mais il faut aussi admettre que la mesure du temps n’est plus suffisante. La fatigue ressentie devient une combinaison de fatigue physique et de stress. Elle n’est plus proportionnelle à la durée du travail, mais dépend de facteurs plus variés comme les conditions de travail, le type de management, le comportement de la ligne hiérarchique et de l’équipe de travail, la charge ou l’intensité du travail. C’est pourquoi, il faut chercher à mesurer la charge ou l’intensité du travail, par exemple, par l’évaluation de ce que j’appellel’ergostressie, à savoir la combinaison de la fatigue physique et de la fatigue mentale, du stress et du plaisir.Yves Lasfargue est directeur des études du Centre d’étude et de formation pour l’accompagnement des changements (Crefac). Auteur de Techno mordus, Techno exclus ?, Ed. d’Organisation-Les Echos.Email : [email protected]

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Yves Lasfargue, directeur des études du Crefac