Décision Micro & Réseaux : Comment votre activité s’est-elle constituée ?
Marco Rinaudo : Internet Fr a été créée en 1995 par trois anciens techniciens réseau de Bull. Nous nous sommes orientés au départ vers l’hébergement et l’accès spécialisé à Internet plutôt que vers la connexion grand public. Aujourd’hui, nous hébergeons près de quatre mille sites sur nos serveurs, mais aussi des serveurs sur lesquels tournent entre quatre mille et cinq mille sites. Il s’agit uniquement d’hébergement professionnel et je tiens à cette étiquette. Nous refusons fréquemment des clients qui n’ont pas besoin du type de service que nous proposons. Par ailleurs, nous ne sommes pas des développeurs de sites. Notre compétence se situe au niveau des infrastructures. Et celles-ci deviennent de plus en plus complexes avec le temps et les impératifs de fiabilité. Nous ne fournissons que des outils de base, mais avec un maximum de garanties.
Constatez-vous des évolutions dans la demande de vos clients ?
Bien entendu. En 1998 et 1999, le nombre de sites et de serveurs hébergés a doublé chez Internet Fr. Et le début de cette année marque la même tendance. Il y a encore un an, les entreprises testaient les possibilités du web. Désormais, il leur faut du fonctionnel et de la fiabilité. C’est pourquoi nous modifions nos axes de développement pour nous spécialiser dans l’hébergement critique. Nous investissons sur les infrastructures nécessaires pour garantir une redondance aussi poussée que possible. En fait, le besoin de fiabilité existe depuis le début. Mais le fait que les entreprises soient prêtes à investir dans la haute disponibilité est un phénomène récent. Nous axons notre service sur une notion de confort de l’hébergement, sans aucun élitisme. Les clients qui en ont les moyens profiteront d’une infrastructure haut de gamme, mais ceux qui ont un budget réduit resteront présents. Nous ne voulons pas les perdre. Il est clair que dans notre démarche d’évolution vers la haute disponibilité, ce sont les sites critiques qui vont d’abord apprécier la qualité de service.
De quoi dépend le niveau de sécurité ?
Je dirais de l’ensemble de l’infrastructure. À ma connaissance, il n’y a pas d’équipement ni de logiciel totalement fiable. Ça n’existe pas dans l’environnement PC et même les grands systèmes connaissent des avaries. N’importe quel spécialiste est capable de faire tomber un site Internet à distance, ou d’en perturber le fonctionnement. Notre expertise joue sur la fiabilité générale d’une installation. Nous sommes avant tout des techniciens. Ainsi, nous avons la capacité de savoir que certaines combinaisons logicielles sont peu fiables ou, au contraire, bien adaptées, que telle carte Raid présentera des problèmes en cas d’accès massifs… Nous avons bien sûr un rôle de conseil sur le type d’équipement à mettre en place, mais aussi sur la stabilité des environnements installés. La majorité des demandes que nous recevons concerne des installations Microsoft, mais la tendance s’inverse. Dans l’ensemble, nous constatons aussi que Linux tient mieux en environnement partagé. Mais une machine partagée n’offre déjà plus une qualité de service irréprochable. L’hébergement partagé de haut de gamme est aujourd’hui une illusion. D’ailleurs, nous ne garantissons pas ce type de solution.
Quelles sont vos règles de fonctionnement ?
Le surdimensionnement systématique et la redondance constituent des impératifs crédibles, au-delà des compétences humaines. Pour toutes nos connexions vers les opérateurs, nous ne voulons pas être dépendants d’un fournisseur. Nous multiplions les accords pour nous retrouver toujours en n + 1. Internet Fr exploite une liaison dédiée de 45 Mbit/s entre Paris et Washington, qui s’ajoute aux accords de peering et aux 800 Mbit/s de la connexion directe sur la dorsale d’AT&T. Nous augmentons notre bande passante dès que le taux moyen d’utilisation du réseau dépasse 75 %. Nous avons une offre d’hébergement aux États-Unis pour mettre en miroir les sites internationaux. Cela permet de limiter les distances d’accès, surtout quand il s’agit de traverser l’océan. Pour les sites que nous hébergeons sur nos serveurs, nous limitons le nombre de sites déployés sur une même machine, pour ne jamais dépasser 50 % d’utilisation de la puissance du processeur.
Votre offre prend-elle en compte le e-commerce ?
Notre rôle de fournisseur d’infrastructures nous a poussés à multiplier les offres de règlement par cartes bancaires. Nous les commercialisons, mais nous ne nous rétribuons pas au prorata des transactions effectuées. Aujourd’hui, une entreprise peut recourir à des systèmes comme Payline ou Paybox, qui sont assez coûteux. Nous cherchons donc à être le plus ouvert possible sur les connecteurs bancaires, ces systèmes qui gèrent les transactions directement au niveau des banques et qui sont moins chers. Nous proposons aussi une assurance pour la vente en ligne, avec la couverture d’AXA. Enfin, les perspectives de croissance liées au e-commerce sont telles qu’Internet Fr va s’étendre en Europe et ouvrira prochainement une structure à Paris.
Internet Fr préfère la ma”trise de son domaine de compétences à la multiplication des offres de service. C’est un choix possible, dont on ne peut préjuger la validité. Cependant, l’entreprise va se retrouver en concurrence avec les opérateurs et les constructeurs, qui entendent bien s’imposer sur le marché lucratif de l’hébergement à destination des professionnels.
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