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Piratage : « les FAI ne sont ni des vaches à lait, ni des boucs émissaires »

L’adoption de la loi antipiratage laisse un goût amer aux opérateurs, qui refusent d’être mis à nouveau à contribution sur un dossier qui ne les concerne pas.

En signant les accords Olivennes en novembre 2007, les fournisseurs d’accès Internet ne se doutaient pas que la loi qui en découlerait se retournerait contre eux. C’est ce que clame aujourd’hui la Fédération française des télécoms (FFT) qui réunit les opérateurs mobiles et les grands FAI, à l’exception de Free. Dans un communiqué publié au lendemain de l’adoption du texte Création et Internet, la FFT n’imagine pas que « l’objectif initial de la loi puisse ainsi être dévoyé. Elle prédit même la fin du modèle économique des offres composites (Internet, TV, téléphonie) » si la loi était appliquée en l’état.

Il faut dire que le gouvernement et les parlementaires n’ont pas ménagé les FAI dans leur plan antipiratage. Dès le départ, il était prévu que les opérateurs, en toute logique, endossent le rôle de père fouettard aux yeux des internautes : envoi des e-mails d’avertissement, déconnexion éventuelle, inscription des pirates sur liste noire, etc. Mais ce qui ne l’était pas, c’est que les FAI doivent aussi financer le dispositif.

Une facture de 100 millions d’euros

Identification des pirates, modification des systèmes d’information des opérateurs, gestion des suspensions, la riposte graduée à la française  devrait coûter 70 millions d’euros sur trois ans aux FAI, selon un rapport du Conseil général des technologies de l’information. Ce sera plutôt 100 millions d’euros selon la FFT. « Les opérateurs ont autre chose à faire de leur cash flow !, s’exclame Yves Le Mouël, directeur général de la FFT. Le dispositif sera très long à mettre en place, entre 12 et 18 mois. Son inefficacité est probable, mais ses coûts sont certains ».

La coupure d’accès n’est pourtant pas une surprise pour les FAI, qui s’étaient déclarés en sa faveur en signant les accords Olivennes. « Mais à l’époque, c’est la ligne entière qui devait être suspendue. Il est beaucoup plus compliqué et plus coûteux de ne couper que l’accès Internet et de conserver les autres services [téléphone et télévision, NDLR] », précise Yves Le Mouël. Pour la FFT, c’est à l’Etat de financer le dispositif antipiratage, comme toute mission confiée aux opérateurs par les pouvoirs publics, par exemple les écoutes téléphoniques. Lors de l’examen du texte, la ministre de la Culture Christine Albanel a néanmoins indiqué que des négociations seraient possibles au sujet du financement… une fois la loi votée. Ces 100 millions d’euros pourraient donc au final retomber sur le dos des contribuables.

Un manque à gagner sur les déconnexions

Mais les FAI ont essuyé un autre revers. Contre toute attente, les députés ont voté le 2 avril un amendement stipulant que les pirates déconnectés n’auront pas à payer leur abonnement Internet pendant la durée de leur suspension. Déjà échaudée par la taxe sur l’audiovisuel, la FFT fulmine : « les FAI ne sont ni des vaches à lait, ni des boucs émissaires…» affirme son directeur général. De plus, avec cet amendement, les opérateurs vont devoir détailler le tarif de chaque service des formules triple play pour distinguer la part de l’accès Internet. « Il va falloir démanteler les offres d’un point de vue technique et d’un point de vue marketing, alors qu’elles ont été conçues d’emblée comme des offres composites pour être meilleur marché. Cela remet en cause la manière dont Internet s’est développé en France», professe Yves Le Mouël.

La FFT tentera de peser auprès des parlementaires de la Commission mixte paritaire qui se réunit dès le 7 avril pour lisser les derniers points discordants de la loi antipiratage avant son adoption définitive en fin de semaine. Le Conseil constitutionnel sera saisi dans la foulée par les parlementaires socialistes, avec peut-être quelques modifications du texte à la clé.

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