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Philippe Meirieu (IUFM de Lyon) : ” On ne remplacera pas les professeurs par des machines “

Philosophe, pédagogue engagé et directeur de l’Institut universitaire de formation des maîtres de Lyon depuis trois semaines, Philippe Meirieu porte un regard distancié sur l’usage des nouvelles technologies à l’école.



01net. 
: La révolution numérique implique-t-elle une disparition progressive des professeurs ?
Philippe Meirieu : Quelle idée ! Bien sûr que non. On ne remplacera pas les professeurs par des machines. Quand on a créé le livre, certains curés avaient peur qu’on n’ait plus besoin des enseignants. Aujourd’hui, c’est la même chose. Or, plus on a eu de livres, plus on a eu besoin de gens pour apprendre à lire. Plus on a de nouvelles technologies, plus il faudra apprendre à s’en servir.Pourtant le savoir est désormais sur le Web… Qu’est-ce que le savoir ? Le rôle du professeur ne consiste pas à uniquement délivrer de l’information ! L’enseignant est justement là pour aider les élèves à distinguer ce qui relève des faits objectifs et ce qui tient de l’opinion. La multiplication des accès à l’information par Internet pose donc d’autant plus la nécessité d’un apprentissage du discernement.Dans cette perspective, comment se définit le rôle du professeur ? Le professeur doit se poser en guide, en compagnon. Il doit savoir et savoir faire. Il doit également accepter les nouvelles règles du jeu posées par la société de l’information : l’élève est au courant des mêmes choses que lui au même moment. Par contre, il n’en connaît généralement pas les causes. Au professeur de l’éclairer, mais aussi de le guider pour lui donner l’esprit critique dont on a tant besoin aujourd’hui.Mais les professeurs sont-ils prêts à évoluer ? Les professeurs reproduisent en classe les schémas qu’on leur a inculqués lors de leur formation. Le modèle de la parole magistrale règne en maître en France et dans les pays latins. Le rôle des IUFM étant de former les professeurs, c’est donc à nous de prendre le relais pour que les méthodes d’enseignement changent en France.En quoi les nouvelles technologies peuvent-elles aider les enseignants et les élèves ?Pour la recherche sur Internet et pour la communication. Mais dans les deux cas, on risque l’asphyxie par surabondance de communication et d’information, d’où l’importance de l’apprentissage de la sélection de l’information pertinente. Elles donnent aussi l’occasion d’une reconstruction du rapport à l’écrit.C’est-à-dire ? Le paradoxe des nouvelles technologies, c’est qu’elles sont centrées sur le multimédia et qu’elles présentent pour l’essentiel de l’écrit. A ce titre, elles peuvent sans doute aider certains enfants à retrouver le goût de l’écrit alors qu’ils l’ont perdu. Et la formation par ordinateur ? Elle est très intéressante pour la simulation ou pour l’apprentissage de la prise de décision dans un univers qui prend en compte une série de variables hétérogènes. Là, les logiciels permettent de faire des choses extraordinaires.Et pour des matières plus traditionnelles ? Pour la littérature ou même certains apprentissages où il faut faire de l’expérimentation comme la physique ou la biologie, la formation en ligne n’apporte rien de plus qu’un texte. Faire croire que l’ordinateur remplacera l’expérience concrète à l’école, c’est illusoire.

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Mélusine Harlé