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Payés pour jouer

Avec à peine quinze ans d’existence, le sport électronique en est à ses balbutiements. Aux États-Unis et surtout en Asie, les cyberathlètes gagnent leur vie grâce à leur talent. Les choses commencent à bouger en Europe.

Peut-on gagner sa vie en jouant aux jeux vidéo ? Oui, si vous êtes bon, très bon ! C’est en 1997 que la notion de sport électronique voit le jour. L’avènement des confrontations à grande échelle via un réseau local (LAN-Party) et sur Internet permet l’organisation de compétitions. Ainsi naît le concept de joueur professionnel rémunéré à hauteur de son talent. Les principales compétitions telles que la Coupe du Monde, les World Cyber Games (Olympiades du jeu vidéo) et certains tournois sont gérés par des sociétés privées et des ligues de sport électronique (Oxent, ESL, MLG). Se répartissant le marché en fonction de leur situation géographique, elles doivent démarcher les sponsors pour obtenir des dotations intéressantes. Les prix les plus attractifs se comptent en cash et en dollars, et c’est surtout vrai aux Etats-Unis ou en Corée, où les droits télévisuels contribuent largement au pot. En Europe, le sponsoring reste la règle : c’est l’appui des éditeurs de jeux et des constructeurs de matériels qui fournissent les récompenses (en nature et en argent). Ces acteurs rendent les tournois séduisants et permettent d’assurer une logistique de qualité (transports, hébergement, repas…). Pour convaincre certaines équipes américaines ou champions coréens de participer, il faut que l’organisateur s’engage sur la qualité de l’hôtel, les possibilités d’entraînement et moult petits détails. La venue de ces figures est la garantie de récolter un maximum d’inscriptions au tournoi et de compter sur un supplément de cash de la part des chaînes de télévision qui suivent les champions.

Tournois vidéoludiques et lucratifs

Parallèlement, des constructeurs et des éditeurs de jeux mettent sur pied des compétitions qui sont, de loin, les plus lucratives. À l’image des Intel Extreme Masters, organisées en partenariat avec le fabricant BenQ. De même, Oxent va lancer les Cyber Athlete Summit, à Paris, avec l’aide de partenaires. À la clé, les fameux cash prizes. Ainsi, Activision a distribué en novembre 2011 plus de 1 million de dollars (754 000 euros) pour son tournoi Call of Duty, dont 400 000 $ (302 000 euros) pour l’équipe championne. Les éditeurs Valve et Riot Games ont respectivement promis 1 et 5 millions de dollars (3 770 000 euros) de prix pour leurs futurs tournois.

En Europe, le sponsoring reste la règle

Le seul moyen, en dehors du sponsoring, de pouvoir rétribuer des joueurs est d’assurer la vente des images des matchs. Sauf qu’il n’existe pas encore de diffuseurs intéressés par ces programmes. C’est la raison qui explique l’absence de joueurs salariés en Europe. “ Dans les autres sports, on est en pourcentage à 50/50 entre sponsoring et vente des images ; dans l’e-sport, on est à 99/1, résume Matthieu Dallon, cofondateur d’Oxent. En Europe, on a beaucoup de mal à convaincre les diffuseurs qu’il existe un public pour ces événements. Le football en était au même point il y a 50 ans, on a encore beaucoup de chemin à parcourir. ” Néanmoins, les joueurs professionnels français peuvent compter sur des gains ponctuels. Outre les frais de transport et d’hébergement, les trois premières places des gros tournois sont payées 25 000, 10 000 et 5 000 $. En revanche, aux États-Unis, la MLG vend ses images en “ paiement à la séance ” (pay per view) sur la chaîne sportive ESPN. Cette ligue possède ainsi 40 salariés sous contrat. Ils gagnent entre 6 000 $ et 10 000 $ par mois, doivent se plier à un entraînement quotidien, répondre à des conférences de presse et participer à des tournois. Chaque joueur peut espérer, en moyenne, toucher 100 000 $ (75 000 euros) par an, primes de match incluses.En Corée du Sud, qui demeure l’eldorado des pros, la société GreTech a signé avec trois chaînes de télévision pour la retransmission des matchs de StarCraft, le célèbre jeu de stratégie de Blizzard. Le pays compte aussi près de 200 joueurs rémunérés. Le salaire moyen s’élève à 2 400 $ (1 800 euros), quand certains champions gagnent près de 10 000 $ (7 500 euros). Les grandes stars, plusieurs fois finalistes, gagnent jusqu’à 2 millions de dollars (1,5 million d’euros) par an, soit 125 800 euros mensuels.

Des e-sportifs de haut niveau

Cependant, la carrière des gamers professionnels est brève, au maximum dix ans – bien que dans les jeux de stratégie, les champions durent trente ans. En France, le joueur pro le plus médiatisé, Bertrand Grospellier, alias Elky, s’est installé en Corée durant deux saisons (2000-2002), le temps d’amasser un petit pactole pour réussir sa reconversion dans le poker. Depuis juin 2011, il cumule les titres européens et mondiaux dans cette discipline. Fatal1ty est un autre champion mis en avant. Joueur pro-américain de FPS (Quake 3 Arena), il a réussi sa reconversion en signant avec les fabricants Abit et Creative. Ces derniers ont sorti des cartes mères, des cartes son, des casques et des souris estampillés Fatal1ty. Lors du récent CES, il a donné une conférence sur le stand Nvidia. Alors que la Fifa fête son centenaire, il n’existe aucune véritable fédération mondiale de sport électronique. Or, seule une instance de ce type pourrait mener des discussions avec les pouvoirs publics et les diffuseurs pour aboutir à des rémunérations plus équilibrées. Le succès des webtélés et des chaînes YouTube spécialisées témoignent pourtant d’un public pour ces programmes.

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Cyril Valent