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Patrick Giraudeau (DSI de LVMH)  : ” Nous mettons en place des indicateurs de performance chiffrés “

Patrick Giraudeau est convaincu que l’informatique peut contribuer au business. Il cherche à devancer les besoins du groupe et se donne les moyens de dialoguer avec la direction générale.

Diplômé de l’Ensam en 1979, Patrick Giraudeau a déjà occupé quatre postes de DSI depuis 1987. Ce polyglotte, qui parle cinq langues et apprend le japonais, arrive chez LVMH en 1998. Très vite, il travaille à rendre plus attractive la vie d’informaticien dans le secteur du luxe. Son défi aujourd’hui, qui est d’ailleurs celui de la plupart de ses confrères : démontrer, chiffres à l’appui, que l’informatique peut contribuer au business.LVMH a fait, cette année, un bond spectaculaire dans le c?”ur des informaticiens. Au palmarès 01 Informatique des entreprises préférées des informaticiens, vous passez de la 80e à la 6e place. Comment l’expliquez-vous ? Je ne me l’explique pas ! Ce qui est sûr, c’est que nous avons énormément travaillé sur les perspectives de carrière. C’est quasiment l’un des premiers chantiers que j’ai attaqués en arrivant, il y a trois ans et demi. Nous avons en fait cassé l’idée, très vivace, qu’il n’y avait rien à faire en informatique chez LVMH. On y passait, on se comportait comme un mercenaire, et on repartait. Le taux de turnover, comparable à celui d’une SSII, dépassait les 20 % en 1998. Enorme ! Aujourd’hui, nous en sommes à 3 ou 4 %. Ce qui est naturel et normal pour entretenir un renouvellement sain dans les équipes.Quelles mesures concrètes ont été prises en matière de ressources humaines ? D’abord, il n’y a plus d’embauches d’un niveau un peu élevé qui ne passe par moi. Ensuite, avant de recruter à l’extérieur, nous vérifions que personne en interne ne peut répondre au besoin. Il y a sept ou huit ans, c’était complètement différent. Nous recrutions beaucoup dans les PME ?” des gens qui nous ressemblaient, puisque nous sommes composés d’une multitude de petites sociétés.Dans ce grand groupe très découpé qu’est justement LVMH, l’informatique n’est pas vraiment considérée comme stratégique. Comment faire évoluer les mentalités ? Effectivement, je n’ai pas l’impression que l’informatique soit une matière critique chez nous. En tout cas, elle n’est pas stratégique. Elle est tactique. La difficulté majeure à laquelle nous nous heurtons est qu’il ne peut y avoir quarante-cinq personnes dans un comité exécutif. Mais l’informatique n’est pas la seule fonction à en être absente. Les présidents ont deux approches : soit ils ont tendance à considérer que ” ça ” doit fonctionner, soit ils estiment que nous pouvons être un élément différentiel.Vous comptez donc prouver votre efficacité à l’aide de chiffres ? Nous sommes en train de monter un tableau de bord, dont la première partie sera prête fin juin, et la seconde fin décembre. Il est constitué de quatre axes, sur lesquels nous avons voulu travailler en même temps. Le premier concerne la finance et les mesures qui en découlent. Ces chiffres précisent au dirigeant combien nous lui coûtons. Mais ça, il y a longtemps qu’il le sait !Concrètement, quels sont vos principaux indicateurs ? Ils ne sont pas forcément très classiques. Par exemple, nous croyons beaucoup dans la mesure du temps travaillé respectivement par les utilisateurs et par les informaticiens. Il faut savoir qu’une équipe projet aura tendance à se constituer le mieux possible, avec l’enthousiasme du départ, mais que, ensuite, la mécanique se détériore. Or, il faut le démontrer. Nous avons aussi de nombreux critères sur le personnel. Est-il, à un instant T, préparé à faire autre chose ? De combien de potentialités disposons-nous dans un certain nombre de profils ?Vous mettez aussi en place des indicateurs plus comptables, concernant la répartition des frais selon leur nature…Cela nous permet de savoir si nous dépensons l’argent où le business se trouve. Notre premier niveau de décomposition est assez traditionnel : logiciel, matériel, personnel, prestations, réseau, etc. Nous pouvons ainsi nous comparer aux autres grands comptes. Ensuite, nous répartissons les frais par directions opérationnelles : qu’a-t-on dépensé cette année pour la finance, pour les ventes, pour le marketing, pour la chaîne logistique ou pour la production ?Vous recherchez ainsi un dialogue plus nourri avec votre direction générale ?Oui. Mais rien ne garantit qu’il s’établira. Si ce n’est pas le cas, la faute changera de camp. Ces gens-là sont payés pour encadrer aussi l’informatique. Donc, si nous leur fournissons des informations de performance, nous pouvons devenir un peu plus exigeants. Je ne suis pas agressif en disant cela. Des DSI se font renvoyer parce qu’on leur reproche d’être restés sans rien faire. Mais de nombreux dirigeants sont aussi remerciés pour n’avoir pas eu la bonne vision. Quelle vision de l’informatique devrait avoir la direction générale dans l’idéal ?La vision d’un contributeur au business. Je ne demande rien de plus.Quels sont les grands projets en cours chez LVMH ?L’achèvement de la mise en place des PGI. Nous sommes partis très tard, mais tout devrait être terminé fin 2003. Nous avons du SAP et du J.D. Edwards. Le premier n’est pas utilisable dans une branche qui comporte des structures trop petites.Est-ce un chantier important ?L’un des grands chantiers pour 2002 est d’arriver à persuader nos présidents que la continuité, ce n’est pas que de l’informatique. Très loin de là.

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Philippe Billard