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Numéros à revenus partagés : toujours l’impasse

À l’occasion de la récente controverse sur les forfaits tout compris de France Télécom (abonnement plus communications locales ou nationales), Michel Bon s’était permis de dénoncer les lenteurs de la procédure d’homologation tarifaire.

“Dans le monde des télécommunications, avait déclaré le président de France Télécom, six mois c’est énorme.” Mais que devraient alors dire les éditeurs de services vocaux interactifs, les centres serveurs et les opérateurs alternatifs qui attendent depuis fin décembre 1998 de pouvoir proposer une nouvelle génération de services sur des numéros à revenus partagés différents de ceux de France Télécom.Depuis bientôt deux ans maintenant, ce dossier n’a pas avancé d’un pouce. Tous ces acteurs ont acheté à grands frais auprès de l’ART des blocs de numéros, conformes au nouveau de plan de numérotation mis en place par l’Autorité pour les numéros spéciaux. Mais ils ne peuvent les mettre en service parce que France Télécom propose un mode de facturation qu’ils jugent irrecevable.L’opérateur historique, en effet, voudrait instaurer pour les numéros à revenus partagés une facturation séparée : une facturation sur papier blanc pour les services de sa responsabilité, et une facturation sur papier bleu pour les appels qu’il a acheminées pour le compte de ses concurrents. Plus grave : France Télécom refuse de faire le recouvrement des communications facturées sur papier bleu. Les opérateurs alternatifs n’auraient ainsi aucun moyen de rentrer dans leurs frais.L’ART avait bien tenté en mai dernier une réunion de conciliation, mais celle-ci s’était achevée une fois de plus sur un dialogue de sourds.Aucun opérateur alternatif n’a donc pu ouvrir jusqu’ici de numéros à revenus partagés. France Télécom, en revanche, ne se prive pas d’exploiter les numéros des séries 08 92 68 et 08 92 69 qu’il s’est réservés pour son propre usage. Il s’est dépêché de conformer les anciens codes d’accès 36 68 et 36 69 au nouveau plan de numérotation. En passant, il en profite bien sûr pour réviser les contrats, qui le liaient aux éditeurs de services et centres serveurs, et leur proposer des conditions de reversement plus avantageuses.Résultat : alors que la concurrence devait devenir effective dans ce domaine en avril 1999, France Télécom est toujours le seul à se partager le gâteau des services Audiotel (5 milliards de francs par an). Mais la facturation n’est pas le seul grief. Le Syndicat professionnel des médias de télécommunications (SPMT) réclame également la suppression pure et simple du Comité de la télématique anonyme.“Ce Comité, explique Michel Baujard, président du SPMT, a été institué en 1993 non pas tellement pour protéger le consommateur, mais bien davantage pour préserver l’image de marque de France Télécom.” Il n’est saisi que par France Télécom, et quand il décide la fermeture d’un service, France Télécom peut s’autoriser à refuser d’acheminer tous les appels vers tous les autres services fournis par le centre serveur incriminé.Selon le SPMT, ce Comité de la télématique anonyme pourrait être remplacé par une simple Chambre syndicale de la télématique. Celle-ci ne jouerait qu’un rôle de régulation pour tous les services à risque, quel que soit leur niveau de facturation. Elle rappellerait aux éditeurs les réglementations et législations qu’ils tenus de respecter. Mais en cas de litige, c’est à la justice et à la police d’intervenir, et non pas au Conseil de la télématique anonyme.Cette situation de blocage pourrait hélas encore durer longtemps, aucun acteur alternatif n’ayant les moyens de faire levier. Même la prochaine portabilité des numéros n’y changera rien, puisquelle ne concerne ni les numéros non géographiques, ni les numéros à revenus partagés.

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Jean-Claude Streicher