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Numérique : les étonnantes nominations de la Commission européenne

Jean-Claude Juncker, a présenté son équipe. Les nouveaux responsables du numérique sont loin d’être des spécialistes. Bonne nouvelle pour les géants du Net, moins bonne pour l’Europe numérique. Portraits.

Les enjeux du numérique Européen prennent un nouveau départ. Est-ce le bon ? Exit Nelly Kroes qui était en charge du numérique et Joachin Almunia, commissaire chargé de la concurrence. Pendant ces cinq dernières années, ces responsables ont eu en charge les dossiers les plus épineux et qui restent encore sans réponse : données personnelles, gouvernance, neutralité, fiscalité.

Ces dossiers ont été confiés à l’Estonien Andrus Ansip qui prend le poste de vice-président en charge du marché unique du numérique. Le commissariat au numérique a été confié chrétien-démocrate allemand, Gunther Oettinger, 60 ans, qui étaient auparavant commissaire européen à l’énergie.

Pour la concurrence, Joachin Almunia cède la place à la ministre danoise de l’Économie, Margrethe Vestager.

Le dossier de la fiscalité, éminemment sensible avec les affaires de géants du Net américains, est désormais entre les mains de Pierre Moscovici, ex-ministre français des Finances.

Ce casting est étonnant, car aucun de ces responsables n’est spécialisé dans les dossiers numériques. Andrus Ansip est un chimiste et Gunther Oettinger un spécialiste des lignes électriques à haute tension et les réserves de gaz.

Quant à Pierre Moscovici, sa nomination à fait l’objet d’un bras de fer avec l’Allemagne qui ne voulait pas de lui à ce poste après son bilan au ministère de Finances. A priori, seule la Danoise Margrethe Vestager pourrait être à l’aise dans ses nouvelles fonctions.

Présentée ce mercredi par Jean-Claude Juncker, l’exécutif européen compte cinq anciens chefs de gouvernement et 13 ministres ou anciens ministres, sur un total de neuf femmes et 19 hommes. Elle doit être approuvée par le Parlement européen et entrera en fonction au 1er novembre.

Andrus Ansip, vice-président en charge du marché unique numérique

Andrus Ansip, 57 ans. Premier ministre libéral d’Estonie de 2005 à 2014, cet ancien communiste, chimiste de formation, a mis en œuvre une politique d’austérité et a fait entrer son pays dans l’euro en janvier 2011.

M. Ansip a commencé son parcours professionnel au sein de l’Armée soviétique en qualité de promoteur de l’idéologie communiste. Il a changé de cap l’Estonie est redevenu indépendant. Il a alors rejoint et dirigé le Parti des Réformes, un groupement de centre droit résolument libéral.

A la chute du communisme, il se lance dans les affaires, puis, après un sérieux accident de la route, il quitte le business pour se lancer dans politique. Il explique que depuis cet accident, « mon attitude envers la vie a beaucoup changé. J’ai fini avec le pur désir de faire de l’argent ». Andrus Ansip parle couramment le russe et l’anglais.

Pierre Moscovici, commissaire aux affaires économiques et financières et à la fiscalité

Le Français Pierre Moscovici, qui aura 57 ans le 16 septembre. Partisan pour plus de flexibilité budgétaire et d’une UE moins libérale, l’ancien ministre socialiste s’est longtemps heurté à l’opposition de l’Allemagne. Ancien ministre des Finances, il a quitté le gouvernement français après un remaniement en mars 2014. Ancien vice-président du Parlement européen, il a été ministre des Affaires européennes de 1997 à 2002.

Lors de sa nomination, M. Moscovici a déclaré à la presse que « [Ma] boussole, c’est la règle. […]Quand on vient à la Commission, on n’oublie pas sa nationalité, ses convictions : je suis social-démocrate, je suis fier de l’être, mais on devient commissaire européen, défenseur de l’intérêt général européen. »

Cette nomination a créé une polémique avec l’Allemagne qui lui reproche de ne pas avoir réussi à endiguer les dérapages budgétaires de la France. L’ancien ministre de Finances demande qu’on ne lui fasse pas de « mauvais procès ». Il promet qu’il n’y aura « pas de suspension, de dérogation, d’exception pour un pays quelconque », avant d’ajouter qu’il pourrait y avoir « des possibilités d’interprétation à partir d’un certain nombre de situations, d’efforts ».

Gunther Oettinger, commissaire à l’économie numérique et à la société

L’Allemand Gunther Oettinger, 60 ans. Commissaire sortant à l’Énergie. Ministre-président chrétien-démocrate du Bade-Wurtemberg de 2005 à fin 2009, Angela Merkel ayant alors nommé à Bruxelles ce rival potentiel. Il était en charge de l’Énergie au moment où son pays organisait sa sortie du nucléaire et sa transition énergétique.

Comme le signale l’AFP, le successeur de Nelly Kroes « s’est fait les dents à l’Énergie dans la Commission sortante, où il s’est forgé une réputation de bon connaisseur des dossiers alors que rien ne le prédestinait à une carrière européenne. » En effet, c’est pour des raisons de tactique politique, et parce que ses deux autres favoris avaient décliné, que la chancelière Angela Merkel l’a envoyé à Bruxelles il y a cinq ans. « Sa désignation avait surpris tout le monde y compris l’intéressé, qui ne s’était jamais beaucoup frotté aux thématiques européennes. »

On ne connaît pas son intérêt ou sa compétence dans les dossiers numériques. Ce que l’on sait, par contre, est que son anglais est très approximatif et difficilement compréhensible à cause de son accent souabe très marqué. Un de ses premiers discours en anglais a fait un carton sur YouTube, avec près de 700.000 vues.

Margrethe Vestager, commissaire à la concurrence

La Danoise Margrethe Vestager, 46 ans. Ministre de l’Économie depuis 2011, également en charge de l’Intérieur, elle a participé aux négociations sur l’union bancaire et s’est montrée très active quand son pays a assuré la présidence semestrielle de l’UE début 2012. Elle est membre d’un parti affiliée aux Libéraux européens.

Elle devra gérer l’épineux dossier qui concerne entre autres Amazon, Google sur les abus de position dominante, et celui des télécoms européens.

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Pascal Samama, avec AFP