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Nord Zoulim (DSI du groupe CDC) : ” Les pleins pouvoirs à l’utilisateur “

Nord Zoulim est arrivé à la Caisse des dépôts pour orienter l’informatique vers la maîtrise d’ouvrage stratégique.

Après seize ans passés à la Société Générale, Nord Zoulim prend en octobre 1999 à la direction de l’informatique de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Sa mission principale consiste à prendre en charge la toute nouvelle DSI du groupe, résolument tournée vers l’utilisateur et ses métiers.Nord Zoulim, soucieux de précision, préfère d’ailleurs la qualification de ” maîtrise d’ouvrage stratégique ” à celle de DSI. Dans les trois mois qui suivent son arrivée, il réalise un livre blanc destiné à définir ce cadre organisationnel et à doter la CDC d’un langage commun. Depuis le début 2001, Nord Zoulim est également devenu le dirigeant d’Informatique CDC (ICDC), le prestataire informatique interne de la Caisse des dépôts.Vous êtes à la fois directeur général de la filiale informatique de la Caisse des dépôts et DSI chargé de la maîtrise d’ouvrage stratégique. Comment en êtes-vous arrivé à assumer ces deux rôles ? Cela n’était pas au programme quand j’ai rejoint le groupe. Il était surtout prévu que je m’occupe de la mise en place d’une maîtrise d’ouvrage stratégique. Ce qui incluait notamment le pilotage stratégique des systèmes d’information et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage auprès du comité de direction.N’existait-il pas un risque à voir une même personne cumuler ces deux fonctions ? Bien sûr. Et cela pour plusieurs raisons. D’abord, on pouvait craindre de voir la priorité donnée à ” l’usine informatique “, au détriment de la DSI nouvellement créée. Ensuite, il fallait que j’aie la capacité de diriger une entreprise informatique gérant plus de 400 millions d’euros et employant environ mille quatre cents personnes. La décision de la direction générale n’a pas dû être facile à prendre.En quoi estimez-vous ” représenter l’actionnaire ” ? Je suis davantage intéressé par la valeur que peut générer la technologie que par la technologie en elle-même. Lorsque je m’adresse aux filiales du groupe Caisse des dépôts, je cherche d’abord à savoir si elles utilisent les bonnes pratiques de leur profession pour tirer le meilleur des technologies. Je n’ai pas à leur dire comment travailler.Vous insistez beaucoup sur le fait que votre DSI est avant tout une maîtrise d’ouvrage. Comment se comporte-t-elle vis-à-vis des directions opérationnelles ? L’idée de base consiste à s’assurer que le patron métier, l’initiateur du projet informatique, prouve et vérifie que ce qu’il propose a un sens. Il peut le faire en parlant soit de retour sur investissement, soit d’une amélioration de la qualité, soit encore d’accroissement de la productivité. Il doit prouver ensuite que l’objectif est réalisable du point de vue de son métier et que les ressources nécessaires seront disponibles. Pourra-t-il aménager ses processus ? Ses structures ? Est-il en mesure de financer ce projet ? Il faut mener ces deux étapes de recherche de pertinence et de financement essentiellement au niveau métier, avant d’aborder le projet informatique au sens classique du terme. Et l’on sait ?” certes, un peu moins dans l’informatique que dans l’industrie ?” que les choix effectués à ce moment-là sont à l’origine de la majorité des coûts des solutions à mettre en ?”uvre.Vous évoquiez un ” livre blanc “. En quoi consiste-t-il exactement ? Il sert avant tout à apporter un langage commun minimal à tous. Il décrit le processus des systèmes d’information comme une chaîne de valeur : d’abord, le ciblage de l’investissement, son opportunité et sa faisabilité métier ; ensuite, la conception et la construction de la solution, jusqu’à sa mise en service ; et, enfin, la gestion du patrimoine. Pour bien maîtriser cette chaîne, nous avons eu besoin d’un pilotage stratégique des systèmes d’information.Comment avez-vous réalisé cet ensemble de bonnes pratiques ? Il était impératif pour nous, à un moment donné, de disposer d’une vision commune et de la partager le plus largement possible. Mais il nous fallait aussi comprendre la logique, les enjeux et les pratiques du système d’information. J’ai donc commencé par sensibiliser les dirigeants, au plus haut niveau, à cette approche par la chaîne de valeur ajoutée. Je parle, bien sûr, de valeur ajoutée pour eux, et non pour l’informatique ou pour la DSI. J’ai ainsi mobilisé une centaine de personnes, des opérationnels et des informaticiens qui se sont répartis en onze groupes de travail.Vous êtes ensuite passé à l’action. Quelles sont alors les principales difficultés que vous avez rencontrées ? L’alignement stratégique est la phase la plus complexe, car elle consiste à combiner les stratégies métier avec celles des systèmes d’information, tout en s’assurant que l’investissement sera rentable. C’est peut-être sur ce point que nous avançons le moins vite. Bien que nous ayons énormément progressé. Une autre difficulté réside dans le bon dosage entre le respect des pratiques et des préoccupations du moment et les objectifs à plus long terme de chacun. Enfin, le dernier point critique est celui du passage à l’acte et de la réalisation du projet proprement dit. Il représente une période délicate ?” en général, la plus longue.Outre la maîtrise d’ouvrage stratégique, vous dirigez ce que l’on pourrait appeler le ” prestataire interne ” du groupe : Informatique CDC. Quel est son rôle exact ? Son ambition est d’être un prestataire interne approuvé et incontournable. Dans mon esprit, je dirige une entreprise comme une autre. Je m’impose d’être compétitif. Nous voulons être reconnus pour la qualité et la performance de nos prestations.Vous utilisez également des prestataires externes, mais plutôt sur le volet ” réalisation “. Etes-vous en mesure de leur donner, à l’avance, une évaluation précise de vos exigences ?” en termes de performances, par exemple ? C’est indispensable, car, sinon, il n’est pas possible de les gérer. Nous voulons adopter une véritable stratégie de sous-traitance en identifiant bien ce que nous allons faire et ce que nous souhaitons faire faire. Nous désirons recourir à des compétences, et non à des solutions. J’achète une prestation pour réaliser ce que j’ai défini.Vous mettre en concurrence avec des sociétés de services externes n’est-il pas quelque chose de compliqué à gérer ? Il faut comprendre que l’informatique des métiers est dirigée par les métiers eux-mêmes. Par exemple, l’établissement qui, au sein d’ICDC, est en charge de l’informatique de la banque d’investissement peut décider lui-même de se confronter au marché. Si, effectivement, cette confrontation n’est pas évidente, elle présente l’avantage de nous pousser dans nos retranchements. Cet établissement banque d’investissement s’est mis en concurrence sur quelques affaires, et il les a gagnées. Mais il est vrai qu’il nous manque encore l’attitude commerciale. Et, surtout, le consultant qui présente bien comme il faut…Si vous deviez reprendre cette organisation depuis le début, changeriez-vous certaines choses ? Oui. Les transformations que nous sommes en train de mener à cette échelle se réalisent traditionnellement sur plusieurs années. Toute l’organisation que j’ai décrite ici demande une année de mise en place, une autre d’ancrage, et une autre encore pour consolider le tout. Si je devais recommencer, j’essaierais d’aller encore plus vite.

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Propos recueillis par Philippe Billard et Andrée Muller