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Net économie : comment le miracle irlandais parvient à perdurer malgré la crise

Malgré le repli européen de Gateway, l’Irlande reste une tête de pont vers le Vieux Continent pour les groupes high-tech américains. Un domaine sur lequel le pays a jeté les bases de son avenir industriel.

Tout va bien” : la méthode Coué est de rigueur chez Baltimore Technologies, l’emblème du miracle high-tech à la mode celtique. À l’image du spécialiste de la sécurité informatique, l’Irlande d’aujourd’hui tient à garder son rang de miraculée économique, malgré la crise d’un secteur sur lequel le gouvernement de Dublin a tout misé. Ces dix dernières années, le ” plus pauvre des pays riches ” est en effet devenu ” l’étoile montante de l’Europe ” en surfant sur les nouvelles technologies : entre 1994 et 1998, la croissance économique y a tourné autour des 9,4 % annuels (contre 2,5 % en moyenne en Europe) et, dans le même temps, ses ventes à l’étranger ont bondi de 72 %, hissant l’Irlande au troisième rang européen des pays exportateurs. La production informatique, principal moteur de cette explosion, mobilise actuellement quelque 25 000 employés (10,3 % de l’emploi de production).Seule ombre au tableau, 27 % des salariés travaillent dans des sociétés… américaines. Une dépendance qui, à première vue, aurait dû précipiter l’Irlande dans le chaos plus sûrement que d’autres pays. À cet égard, les annonces de fermeture d’implantations de Gateway (900 personnes touchées), de réduction d’effectifs chez Tellabs (149 personnes), Xerox (400 personnes) et General Semiconductor (670 personnes) sont de mauvais augure. “ La baisse de régime a déjà causé la perte de 5 000 emplois, et on estime qu’elle en causera 10 000 d’ici la fin de la crise“, reconnaît Patricia Byrne, directeur de Shannon Development, l’agence gouvernementale en charge de la fameuse Celtic Valley du Sud-Ouest de l’Éire. Mais, remis en perspective, les chiffres ne sont pas si noirs : si Hitachi se déleste de 14 700 salariés, l’Irlande n’est pas touchée ; si Nortel réduit d’un tiers ses effectifs, ses troupes irlandaises ne sont dégraissées que de 4 % ; si 3Com élague près du tiers de sa masse salariale, l’Irlande ne perd que 12 % de ses équipes. Et ainsi de suite. La raison ? “ Le marché européen est beaucoup moins touché que le marché américain, et l’Irlande reste la tête de pont idéale“, remarque le Dr John Bradley, professeur à l’Institut de recherches économiques et sociales de Dublin. Une analyse que ne renieront sans doute pas Microsoft, Intel, Apple ou EMC, fortement implantés sur l’île. “ Les sociétés qui ferment actuellement, comme Gateway et Xerox, sont réputées pour leur gestion désastreuse, poursuit-il. Quand les plus performantes fermeront boutique, c’est là qu’il faudra s’inquiéter !“Particulièrement réactif, le gouvernement a de longue date compris qu’il ne devait pas miser seulement sur sa main d’?”uvre bon marché et ses zones franches. “ La production à faible valeur ajoutée va inévitablement se délocaliser vers l’Europe de l’Est “, confirme John Bradley. L’obsession de tous est donc de monter dans la chaîne de valeur. “ Nous ne faisons pas du simple assemblage “, confirme Bob Savage, d’EMC. Son usine, qui emploie 1 624 personnes, est un réel centre de compétence dans les tests des unités de stockage.

La promotion des start-up

Le moyen privilégié ?” et vivement encouragé ?” pour augmenter la valeur ajoutée locale est la création de start-up. L’agence gouvernementale Enterprise Ireland a notamment pour but d’accroître les capacités d’exportation des entreprises irlandaises. Pour ce faire, elle prodigue des conseils et propose des financements aux jeunes pousses. Sa branche capital-risque a ainsi investi 35,5 millions d’euros (233 millions de francs) en 2000 pour 67 entreprises contre 26 millions en 1999 dans 51 compagnies. “Et nous voyons toujours défiler autant de start-up dans nos locaux “, note le Dr Carol Gibbons, d’Enterprise Irland Dublin. Mieux, “les licenciements, ou même le retour des expatriés échaudés par les déboires du marché américain, auront le mérite de lâcher de la pression sur une situation plus que tendue “, confirme Paul Sutton, de la société de capital-risque Crucible. Avec un taux de chômage de 3,5 %, les petites sociétés high-tech auront une chance supplémentaire de trouver des éléments qualifiés. Elles ne risquent pas non plus de manquer de fonds. “Les capital-risqueurs ont encore 300 millions d’euros à investir, de quoi tenir 5 ans“, analyse Shay Garvey, du fonds Delta Partners, qui vient lui même de lever 90 millions d’euros. Mieux encore, pour ne pas mettre tous ses ?”ufs dans le même panier, le gouvernement recherche déjà les axes de développement du futur et mise sur deux autres points forts de l’île : les biotechnologies et l’industrie médicale. Ainsi, quelque 2,5 milliards d’euros vont être versés dans la recherche fondamentale, avec l’espoir de susciter de nouvelles vocations.

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Agathe Remoué, envoyée spéciale en Irlande