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Napster met la RIAA sur le banc des accusés

Poursuivie par l’industrie du disque américaine pour non respect des droits d’auteur, la société Napster lance sa contre attaque et accuse les majors du disque de pratiques monopolistiques. David Boies, son avocat, a déposé en préambule
au procès lundi une argumentation compromettante pour la RIAA.

Une vraie volée de bois vert pour l’industrie du disque américaine. Le nouvel avocat de Napster, David Boies, n’y va pas par le dos de la cuillère. Dans son argumentation, il estime que les faits reprochés (la violation des droits d’auteur) à Napster ne sont pas illégaux – ce qui est de bonne guerre – mais dénonce aussi l’hypocrisie des grands labels de musique américain. Pire, il les accuse de pratiques monopolistiques ! Il faut dire que l’homme a quelques antécédents révélateurs : il était à la tête de l’équipe d’avocats engagés par le gouvernement dans le procès anti-trust contre Microsoft

Pour éviter à Napster de mettre la clef sous la porte, Boies a développé une défense conçue autour de trois axes. D’abord, il s’appuie sur l’Audio Home Recording Act (AHRA) de 1992 statuant que le partage de musique n’est pas illégal à des fins privées et non commerciales. Selon Boies, pour voter cette loi, le congrès américain s’était appuyé sur un rapport de l’Office Technology Assessment (OTA) estimant que l’enregistrement de CD ou de disques empruntés à des amis, et le don de copies de CD à des amis était synonyme d'”usage personnel”, de “copie privée”, d'”usage privé et domestique”. Il n’est donc pas illégal d’offrir un service comme Napster permettant ces types d’usage en conclut Boies. L’avocat de Napster rappelle ainsi que la RIAA (Recording Industry Association of America) a perdu un précédent procès contre la société Diamond, commercialisant le baladeur MP3 Rio, grâce à cette loi.

De plus, Boies rappelle que Sony – adhérent de la RIAA – avait été attaqué dans les années 80 pour avoir permis la copie illégale de films avec ses appareils enregistreurs Betamax. La cour avait alors estimé que tant qu’une “technologie est capable de fournir des usages légaux, celui qui produit cette technologie ne peut être accusé de violation de copyright, même si son produit a pu encourager des usages illégaux et être utilisé pour des activités illégales”. Boies utilise cette jurisprudence afin de dédouaner Napster.

Une industrie du disque hypocrite

Le deuxième axe de la défense mise en place par Boies est une dénonciation de l’hypocrisie de l’industrie du disque américaine à propos du format MP3 et de Napster. L’avocat souligne ainsi que tous les plaignants membres de la RIAA ont noué des partenariats ou investit dans des sociétés – par exemple, Listen.com – proposant sur Internet des logiciels d’encodage au format MP3. Elles encouragent ainsi la diffusion de leurs titres sur l’Internet, estime David Boies. De plus, la major Sony commercialise le baladeur VAIO Music Clip, capable de lire des fichiers aux formats MP3 et ATRAC3. Sony n’a commercialisé que 50 titres au format ATRAC3 aux Etats-Unis. Boies en déduit que la firme japonaise compte bien sur les millions de fichiers MP3 téléchargeables sur le Net pour séduire d’éventuels acheteurs. Le format MP3 n’ayant aucun dispositif de protection des droits d’auteur, les membres de la RIAA favoriseraient ainsi la violation de ces droits, ajoute Boies.

Un monopole sur la distribution de musique

Enfin, David Boies a sorti de son chapeau quelques études et notes internes compromettantes pour les membres de la RIAA. Ainsi, une étude menée par Warner en 1999 a montré que la diffusion gratuite d’un titre du chanteur Tom Petty au format MP3 avait permis d’augmenter sensiblement les ventes de son album. De plus, un autre étude menée par Universal Music Group (UMG) estimait que 93% des gens téléchargeant des fichiers MP3 achetaient plus de CD qu’auparavant. Moralité : Napster ne fait aucun tort à l’industrie du disque mais lui permet au contraire d’augmenter ses ventes, estime Boies. L’avocat de Napster en conclut que la RIAA lutte contre le logiciel de partage de fichiers parce que ses membres ne disposent pas de technologie leur permettant de contrôler Internet en tant que canal de distribution. Leur idée est de tuer ou de remplacer Napster pour éviter toute concurrence. Ce qui relève d’une volonté monopolistique, estime-t-il.

Point d’orgue de l’argumentation de Boies : une note interne d’UMG affirmant que “le but n’est pas d’égaliser Napster mais de le surpasser”. Dans cette note, Lawrence Kenswil, PDG de UMG Global E group, affirme sa volonté d’affilier Napster après la bataille judiciaire. Une fois passé sous contrôle d’UMG, Napster deviendrait ainsi un vecteur de publicité et d’achat de contenus sur Internet pour le disquaire.

Voilà qui fait planer le doute sur la volonté affichée de la RIAA de défendre ses artistes. Par son argumentation, David Boies renverse les rôles et place les membres de la RIAA sur le banc des accusés. Une belle bataille judiciaire sannonce donc avec une seule certitude : accusation et défense y perdront tous deux des plumes !

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Antonin Billet