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N’accepter le risque du bâton que s’il y a une carotte

Pour les investisseurs, il devient plus naturel de menacer les dirigeants de sanctions en cas d’échec que de leur promettre un retour sur investissement phénoménal en cas de succès !

Si j’avais le sens de la provocation, cet article se serait intitulé “Les outils de désintéressement des dirigeants”. Les outils d’intéressement, vous connaissez : c’est les stock-options, les BSPCE ou, plus récemment, les systèmes d’épargne salariale… Mais avez-vous entendu parler de ces nouveaux mécanismes dont les combinaisons les plus extrêmes peuvent conduire à la démotivation des porteurs de projet ?Bien sûr, personne n’a jamais envisagé d’investir dans une entreprise sans management ! Mais si les dirigeants et les investisseurs poursuivent a priori le même but, une contradiction d’intérêts apparaît inévitablement au travers du pacte d’actionnaires. Quand le capital-risqueur cherche à garantir la rentabilité et la liquidité de son investissement, les managers veulent donner un coup d’accélérateur au projet et faire bénéficier la société d’une notoriété propice à la venue d’autres partenaires.L’angoisse permanente de la volatilité stimulant l’imagination des investisseurs de la phase d’amorçage, de nouveaux systèmes tendant à protéger l’investissement des aléas de cette volatilité ont été légitimement mis en place, à côté bien sûr des mécanismes désormais traditionnels visant à récompenser les managers qui réussissent. La pratique française des levées de fonds découvrait alors les clauses de “ratchet”, mécanismes antidilutifs qui permettent aux investisseurs de corriger a posteriori la valorisation retenue pour l’entreprise, ainsi que les clauses de liquidation préférentielle visant (en résumé) à éviter que les managers retrouvent une partie de leur mise alors même que les financiers perdraient leurs investissements.Les success stories se faisant rares, le rapport de force s’est totalement inversé : aujourd’hui, pour les investisseurs, il devient quasiment plus naturel de menacer les dirigeants de diverses sanctions en cas d’échec que de leur promettre un retour sur investissement phénoménal en cas de succès !

Garantie aux entrants

Tout commence par la garantie à donner aux investisseurs entrants : les fondateurs s’exposent souvent à une responsabilité financière égale à un ou deux ans de salaires en cas d’inexactitude de leurs déclarations.Ici, la non réalisation de certains objectifs (“milestones”) ne permet pas aux dirigeants d’exiger le versement des fonds complémentaires, pourtant irrévocablement promis par les investisseurs ! Là, les investisseurs se sont ménagé la possibilité d’éluder les prérogatives du management à tout moment et de prendre les commandes en cas de besoin.

Outils coercitifs

Les outils plus ou moins coercitifs se multiplient également pour dissuader le management de quitter l’entreprise à n’importe quel moment. À côté du célèbre lock-up, on voit fleurir diverses clauses (“bad/good leaver” ou “claw back”) visant à pénaliser les dirigeants qui quitteraient la société dans des conditions jugées fautives par les investisseurs.La légitimité de ces outils, pris individuellement, ne peut être remise en cause. Mais le pacte d’actionnaires ne doit pas porter en lui-même les germes de l’échec : le risque de démotivation existe lorsque la liberté de l’entrepreneur se trouve significativement amputée, alors même que ses perspectives de partage de gain avec les investisseurs savèrent trop défavorables, voire illusoires.* Avocat associé Andersen Legal

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Me Noro-Lanto Ravisy *