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Mon ami de 30 ans

En créant son PC, un micro-ordinateur doté d’une architecture ouverte, IBM a contribué, malgré lui, à l’émergence de l’informatique grand public.

C’était il y a trente ans. Le 12 août 1981, IBM présentait à New York l’IBM PC 5150, son premier “ ordinateur personnel ”. Destiné à l’origine exclusivement aux entreprises, le Personal Computer va être mille fois copié par des dizaines de concurrents qui contribueront à faire de cette machine la référence incontestée de la micro-informatique, tant pour le monde professionnel que pour le grand public.À son lancement, l’IBM PC sonne comme un coup de tonnerre pour Apple, Commodore ou Tandy, qui régnaient jusqu’alors sur ce nouveau marché en pleine expansion. Piqué au vif, Steve Jobs s’était même fendu à l’époque d’une publicité titrant “ Welcome IBM. Seriously ”, soulignant ironiquement son antériorité. Avec raison. En effet, si le PC a fini par s’imposer sur le marché de l’informatique professionnelle et familiale, de nombreux ordinateurs personnels l’ont précédé, certains connaissant même un joli succès. À commencer par le plus célèbre d’entre eux, l’Apple II. Lancée en 1977, la machine séduit les premiers clients, notamment par ses lignes épurées. Mais elle souffre de son prix élevé et de la concurrence de deux autres ordinateurs plus performants : le TRS-80 de Tandy et surtout le PET de Commodore.“ Combien de machines peuvent-elles se vanter d’avoir créé la micro-informatique contemporaine ? ”, écrivions-nous à son sujet en 1988 dans le dossier “ La Saga de la Micro ”. Comparé à l’Apple II, le PET dispose d’un argument canon, son prix, presque deux fois inférieur. En outre, Commodore bénéficie d’un large réseau de distribution. De quoi damer le pion du nouveau venu. C’est sans compter sur la réactivité et l’ingéniosité d’Apple, qui lance dès 1978, un lecteur de disquette 5 pouces 1/4, un support bien plus rapide et fiable que la cassette. Commodore peine à sortir son propre lecteur. Lorsqu’il y parvient, il est trop tard, Apple a conquis le marché.Pour autant, ces premiers modèles restent très chers. L’Apple II Plus lancé en 1979 coûte 1 300 $ soit environ 3 040 euros d’aujourd’hui. Pas vraiment un produit grand public. Qu’importe, dès 1980, de nombreux constructeurs vont investir le marché de l’informatique familiale. Parmi les premiers à tenter l’aventure, l’américain Texas Instruments se distingue. Ce spécialiste des composants électroniques et des calculatrices programmables (notamment la célèbre Ti-57) lance le Ti-99/4A, un ordinateur doté de 16 Ko de mémoire vive, d’un lecteur de cassette, d’un vrai clavier. Il offre, en outre, une résolution d’affichage de 256 x 192 points en 16 couleurs. Le tout pour seulement 3 000 francs, soit 1 200 euros actuels.

Étonnement et enthousiasme…

La presse de l’époque s’emballe pour cette machine, considérée comme “ l’un des premiers ordinateurs qui conjuguent les adjectifs “ performant ” et “ familial ” ” (l’Oi n° 108, novembre 1988). C’est aussi en 1980 que l’anglais Sinclair lance le ZX80, puis l’année suivante le ZX81. Ces minuscules ordinateurs livrent des performances modestes et leur utilisation se révèle complexe. Mais ils coûtent moins de 1 000 francs et vont permettre aux Français de découvrir l’informatique. C’est le temps de l’apprentissage et de l’étonnement. Pour répondre aux attentes de ses lecteurs, l’Oi publie des listings en Basic permettant de créer de petits jeux ou des applications. De nombreuses sociétés émergent, bien décidées à profiter de cet engouement, et donnent naissance à des machines à l’architecture figée, dont la longévité n’excédera pas trois ans : Atmos Oric, Matra Alice, Thomson TO-7 (et son superbe stylo optique), Dragon 32, Hector HRX…En effet, l’enthousiasme de la découverte va subitement retomber. La faiblesse de l’offre logicielle, la complexité d’utilisation, le manque de fiabilité de certains modèles finissent par lasser. La bulle de l’informatique familiale éclate en 1984 et les entreprises qui l’ont portée disparaissent les unes après les autres.Dans le même temps naît une légende. Le Macintosh d’Apple est commercialisé le 24 janvier 1984, deux jours après la mythique publicité projetée lors de la finale du Super Bowl. La firme de Steve Jobs s’oppose une nouvelle fois à IBM, présenté ici comme le symbole du totalitarisme informatique. Apple a de bonnes raisons d’être agacée. Car l’IBM PC, épaulé par son système d’exploitation MS-Dos de Microsoft, a fait des petits. D’innombrables clones qui, en cette année 1984, trustent le marché de l’informatique d’entreprise, ne laissant que quelques miettes aux systèmes concurrents. Les débuts du Mac sont difficiles, la machine étant la cible de nombreuses critiques : mémoire insuffisante (128 Ko alors que l’IBM en propose au minimum deux fois plus), prix élevé, écran trop petit… pas de quoi s’enthousiasmer. Mais le Mac possède deux atouts majeurs. D’abord son interface graphique héritée de l’Apple Lisa, qui le rend d’emblée bien plus simple à prendre en main qu’un PC, et bien sûr la souris qui facilite la navigation à l’écran. Dès la fin de l’année, Apple présente une nouvelle version du Mac, dotée de 512 Ko de Ram. La presse est encore hésitante, pas le public. En un an, Apple en vend 250 000. La machine est lancée, elle ne s’arrêtera plus.

L’âge de raison

Même s’ils deviennent de plus en plus abordables et fonctionnels, les PC et les Mac restent encore chers pour le grand public. Mais d’autres solutions vont émerger dès 1985, et séduire des millions d’utilisateurs. Ces ordinateurs se nomment Atari ST, Commodore Amiga et Amstrad CPC. Conçus pour répondre aux besoins de la famille comme des professionnels, ils concurrencent aussi les consoles de jeu grâce à leur offre ludique très étoffée. Lancé en 1985 deux ans avant l’Amiga 500, l’Atari ST, vendu trois fois moins cher que le Mac, offre une définition d’affichage supérieure, intègre comme lui une interface graphique et la souris. Il dispose, en outre, d’une interface MIDI qui va le rendre très populaire auprès des musiciens et autres ingénieurs du son. Surnommé “ Jackintosh ” en référence au nom de son créateur Jack Tramiel et de ses similitudes avec l’ordinateur d’Apple (l’Atari pouvait d’ailleurs émuler les logiciels Mac), l’Atari ST connaîtra une brillante carrière, notamment chez les joueurs, avant de disparaître à son tour au début des années 90, victime, comme tous ses concurrents, de la démocratisation du PC épaulé par le célèbre processeur Intel 80486 lancé en 1989. Le PC devient enfin abordable et l’offre logicielle à destination du grand public s’étoffe rapidement. Même les joueurs sont comblés. L’arrivée des processeurs Pentium enfonce le clou.Nul ne semble pouvoir troubler l’hégémonie du PC et de Microsoft, et surtout pas Apple, au bord du gouffre lorsque Steve Jobs réintègre son giron en 1997. L’enfant prodigue restructure l’entreprise en un an à peine et lance, en 1998, l’iMac qui marque le renouveau. La firme multiplie les modèles, cible habilement les clients et soigne tout particulièrement le design des machines afin de les rendre immédiatement reconnaissables… et séduisantes. En 2005, coup de tonnerre, Steve Jobs annonce l’abandon du processeur Power PC d’IBM qui équipe les Mac depuis 1994, au profit des processeurs Intel. Après 20 ans de guerre contre IBM, le Macintosh devient un PC comme les autres. Hasard de l’histoire, c’est cette même année qu’IBM, après avoir annoncé la vente de son cent millionième PC, confirme la cession de sa division micro-informatique au chinois Lenovo.

L’avenir commence demain

En trente ans, le concept d’ordinateur n’a cessé d’évoluer, au fil des innovations technologiques, des besoins ou de la nécessaire adaptation aux nouveaux modes de communication, à commencer par Internet et un désir de plus en plus puissant de mobilité. Si l’on accepte l’idée qu’un ordinateur personnel est un appareil permettant de surfer sur Internet, rédiger un mémo, jouer ou gérer son compte bancaire, alors nous en possédons tous un aujourd’hui, dans notre poche. Et il nous permet même de téléphoner. Avec l’iPad, Steve Jobs en présente une nouvelle idée. Le public s’enthousiasme pour l’ardoise numérique, les concurrents se hâtent de la copier… on se croirait revenu au début des années 80.

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Philippe Fontaine avec Matisse Guérin