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Modélisation tirée par les cheveux

Le follicule pileux est l’organe qui fabrique le cheveu. Sa représentation en 3D révèle son fonctionnement comme on ne l’avait encore jamais perçu.

Même s’il n’y a qu’un cheveu sur la tête à Mathieu, elle abrite 150 000 follicules pileux. Et c’est grâce à l’un d’entre eux que l’unique tif de Mathieu subsiste, vaille que vaille. Car le follicule pileux est un organe essentiel : il fabrique un cheveu. Pour cela, il pénètre à quatre millimètres en dessous du cuir chevelu et présente une architecture très élaborée. Il est en effet constitué de plusieurs enveloppes savamment imbriquées les unes dans les autres, à la manière des poupées russes. Cette gaine donne sa forme au cheveu au cours de sa croissance.

Un organe très sophistiqué

“Quatre millimètres, c’est une longueur gigantesque”, précise Bruno Bernard, responsable de la biologie du cheveu au centre de recherches de l’industriel du cosmétique L’Oréal. Jusqu’à présent, la représentation du follicule se limitait à des photos ou à des dessins très insuffisants pour appréhender un organe aussi sophistiqué. La renommée et les performances du logiciel de conception 3D Catia V5, utilisé dans des domaines industriels pointus comme l’aéronautique, incitent le biologiste à contacter Dassault Systèmes.Tout s’enchaîne alors très vite. Le chercheur crayonne des schémas à partir des résultats scientifiques et des observations au microscope, puis les confie à Olivier Boces, de Dassault Systèmes. Celui-ci numérise les croquis, les place directement en toile de fond de Catia et construit élément par élément le modèle numérique du follicule. En deux mois, c’est chose faite. “La symétrie axiale du follicule nous a fortement aidés en nous simplifiant la construction du modèle”, reconnaît Bruno Bernard.

Des mystères ont été levés

Grâce au logiciel, des coupes peuvent désormais être effectuées n’importe où et très facilement. Il est aussi possible de supprimer momentanément des éléments afin de multiplier les angles de vue. La compréhension du fonctionnement du follicule s’en trouve chamboulée. “Les personnes à qui nous faisons une démonstration nous disent “mais c’est très simple à comprendre”. Avant la modélisation, c’était loin d’être le cas…”, s’enthousiasme le biologiste.De plus, le travail de synthèse des résultats scientifiques a été l’occasion de lever des incertitudes. Ainsi, le follicule comprend une glande proche du cuir chevelu. Cette dernière sécrète le sébum, une substance qui protège le cheveu des agressions extérieures. Le mécanisme de passage du liquide dans la gaine du follicule, jusqu’à présent méconnu, devient clair : en fait, le sébum est déversé par des cellules qui mûrissent dans la glande et viennent éclater à l’entrée d’un étroit canal. De même, l’irrigation sanguine du follicule, qui nourrit le cheveu en nutriments, restait mal expliquée.

Naissance, vie et mort d’un follicule

La modélisation a permis de comprendre la disposition des vaisseaux sanguins autour de la base et à l’intérieur même du follicule. Mais l’aventure ne s’arrête pas là. En effet, l’agencement du follicule varie au cours de son cycle de vie. “Sa phase de croissance dure trois ans, et correspond à la production du cheveu”, explique Bruno Bernard. “Puis le follicule se dégrade sur place en trois semaines, et remonte à la surface du cuir chevelu. Il entre alors dans une phase de repos de trois mois pendant laquelle le cheveu tombe. Un nouveau follicule se forme alors au même endroit que le précédent. Aujourd’hui, notre but est de modéliser toute cette évolution afin de mieux la comprendre.” Et Bruno Bernard d’ajouter avec un plaisir non dissimulé : “Nous sommes certains de tomber sur de gros problèmes.” En somme, de quoi se faire beaucoup de cheveux…www.loreal.com/fr/recherche

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Olivier Lapirot