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(Mise à jour) Le site d’une association de militaires embarrasse la Défense

Le différend qui oppose l’Adefdromil et le ministère de la Défense n’est pas réglé. Le tribunal de grande instance de Paris s’est déclaré incompétent en la matière.

Publication initiale le 10/03/2003L’Adefdromil se bat pour les intérêts des militaires, notamment sur son site Internet. L’expérience pourrait tourner court, car le ministère de la Défense vient de taper du poing sur la table : les militaires en service ne
peuvent se réunir au sein d’associations. L’affaire est devant les tribunaux.
Grâce à son site internet, l’Association de défense des droits des militaires fait du bruit au sein des états majors des armées. Un peu trop, au goût de Michèle Alliot-Marie. La ministre de la Défense a, par l’intermédiaire de son
directeur de cabinet, Philippe Marland, fait circuler une note précisant que ‘ Les militaires en activité de service… ne peuvent plus adhérer à cette association, sous peine de sanctions
disciplinaires.
Comme les hautes instances militaires ne peuvent légalement interdire notre site, elles font pression sur nos membres. Sans leurs cotisations, qui sont notre unique source de revenus, nous serons amenés à
arrêter nos activités ‘,
se scandalise Michel Bavoil, ancien capitaine à la retraite et fondateur de l’Adefdromil.L’association, qui compte plus de 600 membres, totalise sur son site près de 13 000 visites mensuelles. ‘ Internet joue un rôle clef pour l’Adefdromil. Nous communiquons avec nos membres par les
newsletters et les mails. Nous en recevons plus de 30 par jour. Nous donnons ainsi aux militaires le moyen de s’informer et de se défendre. Grâce à Internet, nous avons fait pénétrer le droit dans les casernes
‘, souligne
Michel Bavoil.

Le site aborde des sujets dérangeants

Sur son site, l’Adefdromil n’y va pas de main morte. Au menu : revalorisation de la condition militaire, démotivation du personnel, aumônier militaire pédophile… Guère étonnant,
alors, que le ministère de la Défense multiplie les pressions, au nom de l’article 10 de la loi du 13 juillet 1972 : ‘ L’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion
des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire.
‘Pour Michel Bavoil, on ne peut assimiler l’Adefdromil à un syndicat. ‘ D’ailleurs, si notre association était illégale, on nous aurait traîné en justice ‘. Jean-François Bureau,
porte-parole des armées, répond : ‘ Nous n’avons pas poursuivi l’association car il ne nous appartient pas de la juger, tout comme son site. L’Adefdromil à le droit d’exister. En revanche, il est interdit au personnel
militaire en exercice d’en être membre
‘.C’est donc l’association qui a porté l’affaire devant le tribunal de grande instance de Paris. Elle a assigné Michèle Alliot-Marie et Philippe Marland, le 5 mars dernier. Chacun est resté sur ses positions. La Défense a taxé
l’Adefdromil de syndicat. Et l’association a joué sur les libertés individuelles. Le juge rendra son verdict ce mercredi 12 mars.

En appeler à la cour européenne des droits de l’homme

En cas d’échec, l’association envisage de porter l’affaire devant la cour européenne des droits de l’homme. En effet, le 3 septembre 2002, le Conseil de l’Europe a adopté la recommandation 1572-2002 :
Autoriser les membres des forces armées et le personnel militaire à s’organiser dans des associations représentatives ayant pouvoir pour négocier toutes questions concernant leurs intérêts professionnels, et que soient
levées les restrictions au droit d’association et d’adhésion à un parti politique.
‘Quelle que soit l’issue du procès, l’avenir paraît bien incertain pour l’Adefdromil et son site. Même si la cour européenne finit par donner raison à l’association, rien n’empêchera la Grande Muette de poursuivre ce que Michel Bavoil
nomme ‘ la chasse aux sorcières ‘.Du côté des armées, on ne s’inquiète pas de cette recommandation, puisqu” elle n’a aucune portée en droit français. Quant à savoir s’il faut modifier les textes en vigueur, ce n’est pas le
débat ‘,
conclut Jean-François Bureau.Le salut de lAdefdromil viendra peut-être du changement de statut des militaires. Dans les couloirs du ministère de la Défense, on laisse entendre que celui-ci pourrait intervenir très bientôt.

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Hélène Puel