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Michael Dell ou la force tranquille

Portrait d’un homme discret, au profil lisse, qui a conduit progressivement son groupe à la première place.

Rencontrer Michael Dell surprend toujours. Car l’homme, d’une simplicité abrupte, n’a rien pour inspirer des sentiments extrêmes. Il n’appelle pas la crainte, encore moins la fascination, surtout pas la détestation. De dix ans plus jeune que Bill Gates (il fêtera ses 37 printemps dans quelques jours, le 23 février), ses sentiments sont largement inconnus, et sa vie personnelle encore plus. On sait seulement qu’à 12 ans, il lavait les assiettes dans un restaurant chinois pour se faire de l’argent de poche destiné à parfaire sa collection de timbres. Et qu’il a démissionné de l’université pour lancer son entreprise. Ses professeurs avaient de quoi râler : le jeune Michael passait son temps, paraît-il, à parfaire sa technique de vente en faisant des affaires dans sa chambre d’étudiant. Mais les enseignants n’étaient pas seuls à récriminer. Alors que les parents de Michael avaient résolu de lui faire “faire sa médecine”, comme on disait naguère, il leur aurait opposé une fin de non-recevoir curieusement motivée : “Je n’aime pas l’hôpital. On y enregistre un taux d’échec trop élevé.” Cet humour noir fut diversement apprécié.

Vie de famille et internet

En tout cas, quand il est en verve, Michael Dell avoue avoir un faible pour internet. Et affirme ne rien tant priser que le temps passé en famille. Ces deux passions ne sont pas incompatibles : il surfe volontiers sur Ebay avec ses enfants. Parfois, en de rares occasions, le doigt se fait accusateur. Par exemple, pour dénoncer les pirates du réseau mondial, ces hackers en tout genre qui défient impunément le cybermonde. “Les gens qui conçoivent et propagent des virus doivent être arrêtés et bouclés. Point final !” Une phraséologie que ne renierait sans doute pas l’actuel locataire de la Maison Blanche… Et la politique, justement ? “Je ne suis pas un fou de la réglementation étatique”, laisse-t-il tomber en guise de profession de foi. On n’en saura pas plus. Si ce n’est qu’il parle volontiers du président George Bush comme de son “ami”. De fait, au royaume des idées simples, deux Texans sont rois : l’un dirige la première puissance mondiale, l’autre a conduit son groupe à la première place de l’industrie micro-informatique. Doué d’une absence totale de charisme, Michael Dell respire l’air des cimes, celui-là même qu’il a obtenu de haute lutte malgré la condescendance de ses pairs. Ou ne serait-ce pas, plutôt… grâce à elle ? Il n’en a cure. La force tranquille, c’est lui. Sa fortune personnelle est évaluée à 20 milliards de dollars (23 milliards d’euros) ?” trois fois moins que Bill Gates, cependant. En outre, à la tête de Dell depuis dix-huit ans, il est actuellement le patron de la société high-tech qui connaît la plus grande longévité… à l’exception du patron de Microsoft, encore lui !Résumant la philosophie de sa propre vie, Paul Valery avait coutume de dire : “Tout ce qui est simple est faux. Tout ce qui est compliqué est inutile.” Sans le savoir, Michael Dell s’est emparé de cette maxime pour la modeler à son image. En faisant de la vente directe une ascèse toute d’exécution, il a inventé un bréviaire universel. Entre le poète élégiaque de Sète (Hérault) et le businessman d’Austin (Texas), les affinités électives sont plus nombreuses quon ne le croit.

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Pierre-Antoine Merlin