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Mano Solo : ‘ Il faut en finir avec le mythe de la découverte d’artistes sur les réseaux P2P ‘

Après avoir refusé un nouveau contrat chez Warner Music, le chanteur sortira le 17 mars ‘ In The Garden ‘, un album autoproduit et financé entre autres par des souscriptions d’internautes.

Mano Solo fait partie de ces artistes français qui se sont retrouvés sans contrat de maison de disques. Mais, contrairement à Alain Chamfort, Michel Jonasz ou Jacques Higelin, lui, c’est volontaire. Il a en effet refusé le contrat que
lui proposait Warner Music, son label depuis ses débuts. ‘ Ils ne me garantissaient rien comme budget de promotion. J’ai quand même vendu un million d’albums en quinze ans et on m’a ressorti un contrat qui n’était même pas
l’équivalent du premier
[qui prévoyait un million de francs de budget promotionnel, NDLR]. A ce moment-là, je suis parti ‘, explique le chanteur. Il se rapatrie sur son site Internet,
manosolo.net, ouvert en 2000. Son prochain album, In The Garden, sortira le 17 mars prochain.01net. : Sur votre site, vous demandez une souscription de 17 euros aux internautes. Comment cela fonctionne, où en est l’album ?


Mano Solo : L’album est fini. Les gens qui l’avaient préacheté ont eu une préécoute des premiers mixes. Maintenant ils ont une écoute des deuxièmes mixes. Ils ont accès à l’évolution de l’album. En l’achetant en avance,
ils gagnent un accès à un espace privé. Ils y rentrent avec le login qu’on leur a envoyé. Là, j’essaie d’offrir un petit plus à ces gens qui me soutiennent. Un historique de ma carrière avec toutes les vidéos amateurs que je peux avoir, des dessins,
etc. Tous les 15 du mois, le site est mis à jour.Combien de personnes sont inscrites ?


Pour l’instant, il y a 1 300 souscriptions. Je remercie ces gens-là parce que je ne sais pas si, moi, j’aurais acheté un album six mois à l’avance avant d’en savoir quoi que ce soit. Je ne peux pas crier victoire avec
1 300 inscrits en deux mois, mais je ne peux pas non plus me sentir abandonné, parce que je ne le suis pas.Ça a été dur de faire un album dans ces conditions ?


J’ai fait un prêt à la banque et j’ai mis ma maison en garantie. J’ai demandé le budget que j’aurais voulu obtenir de la maison de disques. Ce n’est pas parce que je me suis autoproduit que je me suis produit moins bien. Je suis allé en
studio, j’ai payé des musiciens. On peut le faire à la maison, mais on n’aura jamais le même son. Pour faire un album qui sonne, il faut du matos qu’on n’a pas chez nous, mais du matos qu’il y a dans les studios, et si tu ne l’as pas, ton disque ne
sonne pas comme un disque de pro.


Aujourd’hui, on donne aux gens un orgue Bontempi, en beaucoup plus évolué, qui s’appelle ProTools ou Cubase, et ils s’imaginent que ça y est, c’est bon, on fait un disque avec. C’est un leurre.Vous avez eu des retours des internautes pendant que vous faisiez l’album ou ils prenaient ce que vous leur soumettiez et c’est tout ?


J’ai ouvert un site pour y être en permanence, depuis le début [en 2000, NDLR]. Cette histoire d’album sur mon site, finalement, ce n’est qu’une histoire de plus. La dernière, c’est un collectif né de mon forum. C’est
une longue histoire. J’ai sorti un livre en 1996, qui s’appelle Je suis là, un recueil de poèmes. J’en ai édité 5 000, je les ai vendus. Toutes les semaines, il y avait quelqu’un qui demandait où se procurer Je
suis là.



Un jour, en réponse, un internaute lui a chanté un des poèmes. Ça a fait ‘ tilt ‘. J’ai mis tout le bouquin sur le forum et j’ai dit ‘ Prenez les textes dont vous avez envie, vous avez le
droit d’enlever des phrases, mais pas de les transformer, vous avez le droit de les déplacer, de travailler les textes pour les mettre en musique ‘.
C’est ce qu’ils ont fait. J’ai fait une sélection des meilleurs titres sur
le forum et j’ai proposé de faire un disque.


C’est en cours depuis un an et demi, deux ans. On a fait toutes les préproductions, il y a plein de gens qui m’aident, et on a enregistré deux titres. Ce sont les internautes qui chantent, moi, je suis directeur artistique de leur
version de mes textes.Quelles sont vos pratiques du peer to peer,, vous vous en servez ?


Bien sûr. Je télécharge. Pas pour ma consommation, pour ma culture, comme beaucoup de gens. Je l’utilise comme un point d’écoute et comme un outil de travail. Tu cherches un truc avec ta guitare, tu as envie d’une inspiration, tu ne vas
pas poser ta guitare, prendre ta voiture, aller à la Fnac, acheter l’album pour trouver un morceau et avoir une idée. Le peer to peer, c’est ma banque de données à disposition.


En revanche, il faut en finir avec le mythe de la découverte en peer to peer. Sur Internet, tu ne trouves que ce que tu cherches. Les moteurs de découverte, ce sont les mêmes que d’habitude : le
bouche-à-oreille, les médias. Quand on nous sort un artiste qui a émergé d’Internet, en fait, c’est du bouche-à-oreille.Ce que vous venez de faire avec votre album via Internet, est-ce que vous le referiez ?


Je ne sais pas. Vraiment, je n’en sais rien. J’ai été vexé par le contrat qu’on m’a offert, ce n’était pas admissible. Maintenant, ce que je fais en ce moment me prend la tête. Ce n’est pas mon métier de m’occuper du prix de gros, du prix
de vente, d’aller négocier avec le patron de la Fnac, je ne suis pas représentant. Je n’ai pas envie de passer ma vie à ça. Mais je ne peux pas me permettre d’embaucher des gens pour le faire à ma place.

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propos recueillis par Arnaud Devillard