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Loppsi : une loi pour mettre Internet sous surveillance

La ministre de l’Intérieur a présenté son projet de loi sur la sécurité. Blocage de sites, « écoutes » informatiques… les nouvelles technologies sont particulièrement visées.

Après un an et demi de gestation, le projet de loi d’orientation pour la programmation et la performance de la sécurité intérieure (Loppsi) est enfin arrivé sur la table du Conseil des ministres ce mercredi 27 mai. Le texte, présenté par la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, vise à actualiser la politique de sécurité intérieure de la France pour la période 2009-2013. Sept ans après sa précédente édition, la Loppsi accorde logiquement une part plus importante aux nouvelles technologies et à Internet en particulier. Non seulement en tant que moyens de lutte contre la criminalité, mais aussi en tant que cible. Voici ce que le texte prévoit.

Le blocage des sites et des contenus à caractère pédopornographique. Pour le ministère de l’Intérieur, « le principe est simple ». Afin de lutter contre les sites basés à l’étranger qui diffusent du contenu pédopornographique, il suffit que les FAI en bloquent l’accès depuis la France. Le ministère se chargera de leur transmettre une liste noire de sites à bannir. Une idée vertueuse, en théorie, mais qui ravive le spectre d’un filtrage organisé du Net, dont l’accès pourra être verrouillé directement par le gouvernement, par l’intermédiaire des opérateurs télécoms. Elle pose également des problèmes techniques, les contenus incriminés étant rarement accessibles à un nom de domaine simple. La Loppsi est d’ailleurs très floue à ce sujet, puisqu’elle demande aux FAI d’empêcher l’accès à des « adresses Internet » (article 4).

La pénalisation globale de l’usurpation d’identité sur Internet. L’usurpation d’identité sur Internet n’est actuellement punie que s’il en découle un préjudice financier pour la victime. La Loppsi répare cette injustice : se faire passer pour quelqu’un d’autre sur Facebook ou sur un forum afin de dénigrer ou de harceler quelqu’un sera passible de 1 an de prison et de 15 000 euros d’amende.

L’enregistrement à distance de données informatiques. Après les logiciels mouchards antipiratage de la loi Hadopi, voici les logiciels espions de la Loppsi. Le texte vise à autoriser la « captation de données informatiques à distance » (article 23) à l’insu de l’utilisateur, pour les besoins d’une enquête. Il s’agit en clair de transposer l’écoute téléphonique à l’informatique. Si la Loppsi est adoptée, les enquêteurs pourront voir et enregistrer en temps réel, à distance, ce qui s’affiche sur un ordinateur, même lorsque les données ne sont pas stockées sur le disque dur (lecture d’un CD-Rom, saisie de texte en live sur Internet…). Les logiciels « d’écoute » seront installés à distance ou physiquement, là où se trouve l’ordinateur. Le texte stipule que le recours à ces mouchards se fera sous l’autorité du juge d’instruction, dans les cas de criminalité les plus graves, comme le terrorisme. Mais il peut bien ouvrir une boîte de Pandore.

La vidéosurveillance largement autorisée. Jusqu’ici réservée aux lieux potentiellement exposés aux actes de terrorisme, la vidéosurveillance pourra être utilisée aux abords de toute entreprise (personne morale) « dans des lieux particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol »  (article 17). Un bon moyen pour le gouvernement de réaliser son « plan de triplement des caméras installées sur le territoire ».

Une double peine en cas de trafic de points de permis sur Internet. Décidément dans le collimateur de la Loppsi, Internet bénéficie d’un traitement particulier dans la répression contre le trafic de points de permis de conduire. Pour punir ce trafic, qui représenterait plusieurs millions d’euros par mois, la Loppsi prévoit une peine de 6 mois de prison et 15 000 euros d’amende pour les acheteurs et/ou vendeurs de points sous le manteau. La peine sera doublée (1 an de prison, 30 000 euros d’amende) si le fait est habituel ou si le trafic a été effectué grâce à la diffusion « par tout moyen d’un message à destination du public ». Essentiellement, donc, par e-mail ou par Internet.

Le projet de loi ne devrait pas être discuté au Parlement avant l’automne prochain. Le temps pour les parlementaires de reprendre leur souffle après le tumulte de la loi Hadopi.

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