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L’OMPI sous le feu de la critique

Le Centre d’arbitrage de l’OMPI est-il crédible ? Certains juristes n’hésitent pas à critiquer cette administration accréditée par l’Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), dont le but est de faciliter le règlement des litiges liés au cybersquatting.

Après un an d’existence et un millier d’arbitrages autour des noms de domaine, le Centre d’arbitrage et de médiation de l’Ompi (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle) est sous le feu des critiques.Même si le passage par l’OMPI n’est pas obligatoire pour résoudre un litige, l’Icann lui a conféré un pouvoir important. En effet, lors de l’enregistrement d’un nom de domaine, le propriétaire accepte d’office de se soumettre aux décisions d’une administration accréditée par l’Icann en cas de plainte. Ainsi, si l’OMPI l’ordonne, le transfert d’une adresse Internet se fait de façon automatique.Les commentaires et insinuations concernant son fonctionnement ne sont pas nouveaux, puisque, déjà, son premier arbitrage en faveur de la Fédération mondiale de catch avait donné lieu au piratage du site de l’OMPI. Mais, aujourd’hui, les critiques se font plus précises.Elles portent, dans le désordre, sur son appellation de ” centre d’arbitrage ” qui porte à confusion, au manque de respect des droits des défenseurs, et sur la remise en cause des experts dits indépendants, appelés à trancher sur des cas plus ou moins sensibles et complexes.Jean-Claude Patin, responsable des dossiers Internet de la société Juritel, résume ainsi la situation : “Il ne s’agit pas de faire un procès d’intention, mais lorsqu’on dénombre autant de failles dans un dispositif, notamment sur le terrain essentiel du contradictoire et des droits de la défense, on doit se poser certaines questions.”

Des décisions sans valeur juridique

Tout d’abord, l’utilisation du terme ” arbitrage ” est contestée. En effet, une procédure d’arbitrage au sens juridique s’effectue dans des conditions bien différentes de celles adoptées par l’OMPI. Les décisions prises dans le cadre d’un réel arbitrage sont contrôlées, puis mises à exécution par la justice.Il n’en est pas de même pour les décisions de l’OMPI. Elles peuvent être contestées devant une instance judiciaire. C’est d’ailleurs le seul recours en appel prévu par l’Icann. Mais il est partiellement employé. En effet, lorsque l’OMPI décide de rejeter une plainte déposée, estimant qu’il n’y avait pas litige, certains plaignants ne s’en contentent pas et font appel à la justice. Ainsi, des adresses Internet ont finalement changé de mains quelques mois après. C’est le cas d’avnet.net, creditconnection.org , sixnet.com, par exemple.

Le droit de la défense bafoué

De plus, l’arbitrage à valeur juridique implique une participation active des deux parties, aspect négligé par l’OMPI. En effet, une simple consultation des arbitrages rendus par le centre permet de se rendre compte que dans la majorité des cas la décision a été prise sans qu’aucun contact avec le détenteur de l’adresse n’ait été pris. Ce dernier ne bénéficie même pas d’une notification par voie d’huissier, obligatoire lors d’une affaire judiciaire.Un autre problème réside dans le choix des experts qui prennent les décisions. Choisis par l’OMPI, ce sont parfois des avocats dont la clientèle pourrait être impliquée, de près ou de loin dans l’affaire traitée. L’administration n’a pas prévu de recours pour les parties dans un tel cas, alors qu’en droit français, il est possible de récuser un juge si son impartialité est compromise (lien familial ou autre).

L’OMPI bientôt poursuivie ?

Une clause du contrat commercial supervisé par l’Icann pour obtenir un nom de domaine en ” .com “, ” .net ” ou ” .org ” est à l’origine de la procédure d’arbitrage de l’OMPI. Elle engage le propriétaire du nom de domaine à se soumettre à une administration accréditée par l’Icann en cas de plainte.Un certain nombre de juristes s’accordent à dire que la clause en question contredit le code de la consommation français. “Actuellement, la valeur juridique des décisions de l’OMPI est encore floue, on peut d’ailleurs imaginer que l’Icann et l’OMPI puissent être attaquées “, estime l’avocat Guillaume Tessonnière, spécialiste du droit lié aux noms de domaine.L’Icann et l’OMPI pourraient être poursuivies pour clause abusive si un contractuel se sentait lésé par ces organisations pour l’avoir obligé à subir une procédure et avoir entravé l’exercice de ses voies de recours en tant que consommateur.Jusqu’à ce jour, personne ne s’est lancé dans une telle aventure.

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Mona Moalic