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Linux profite de la grande débâcle des Unix sur plate-forme Intel

La bataille pour devenir l’Unix standard d’une plate-forme Intel appelée à dominer le marché a tourné court. Linux reste seul en lice.

Beaucoup de bruit pour rien ! Voilà deux ans que les ténors du marché Unix s’empoignent pour savoir qui prévaudra sur les serveurs Itanium, la puce 64 bits arlésienne d’Intel. Mais après deux ans de déclarations d’intention, d’accords et de désaccords, tous ou presque ont fini par abandonner. Pourtant, avec l’arrivée de l’Itanium, les difficultés à monter en puissance de Windows, le marché des gros serveurs Intel présentait une aubaine pour les Unix de Compaq, HP, IBM, SCO et Sun. Mais de la demi-douzaine de prétendants au titre d’Unix standard sur plate-forme Intel, il n’en reste plus qu’un seul : Linux.
Compaq a été le premier à jeter l’éponge. C’était il y a tout juste un an, à l’arrivée de Michael Capellas au poste de PDG. En proie à des difficultés d’intégration de Digital, le constructeur a choisi de rationaliser une offre un peu confuse. Tru64, l’Unix maison, a donc été confiné aux plates-formes Alpha. Quant aux serveurs Intel, ils ont deux solutions : Windows ou Unixware, l’Unix de SCO. Compaq n’avait pas vraiment le choix. Premier revendeur d’Unix SCO, il aurait eu les pires difficultés à assurer la migration de ses utilisateurs vers un Tru64 Intel. Personne ne s’est donc ému de la décision. D’autant que la part de marché de Tru64 plafonne à 6 %.

Solaris sur Itanium reste dans les cartons

Ce fut ensuite au tour de Sun de faire preuve de mauvaise volon-té. Au printemps, l’éditeur de Solaris a commencé à se faire prier pour finaliser le développement de son Unix sur Itanium. Intel s’est fâché et a menacé de ne plus l’aider s’il continuait à privilégier sa plate-forme Sparc. Aujourd’hui, les pires rumeurs circulent sur le développement de Solaris sur Itanium. On murmure même que le projet est gelé. Derrière cette guerre d’intox, se cache néanmoins une réalité : Sun n’a pas grand intérêt à assurer le succès d’Itanium en le dotant de son Unix vedette. Il préférera toujours privilégier ses propres serveurs Sparc.
Ne restait plus alors que Monterey, le projet initié par IBM et SCO pour unifier leurs Unix. Soutenu par Acer, Bull, Compaq, ICL et Unisys, il s’annonçait comme le futur standard de fait. Las, l’alliance aura tenu à peine 18 mois. Depuis cet été, les partenaires font cavalier seul. SCO s’appelle aujourd’hui Tarantella et son activité Unix a été rachetée par Caldera, un acteur du monde Linux. IBM a donc repris à son compte l’ensemble des développements. Monterey est devenu AIX RL, un pot-pourri regroupant AIX, un soupçon de Linux, du Dynix/ptx de Sequent et d’OpenServer de SCO. Mais plus question de recruter des partenaires à tout va et d’en faire l’Unix standard. AIX RL est avant tout un produit IBM destiné à faciliter la migration d’un Unix Intel vers AIX sur Power PC.

Les ténors de l’Unix veulent minimiser Linux

Devant cette déroute, plusieurs constructeurs ont commencé à s’intéresser à Linux, la nouvelle étoile montante. Dell a été le premier à lâcher Monterey pour faire de Linux son Unix de référence sur plate-forme Intel. On murmure aujourd’hui que Compaq pourrait le rejoindre. N’appartenant à personne, soutenus par tous, Linux à tout pour devenir l’Unix standard dont tout le monde rêve. C’est ce qui inquiète aujourd’hui les ténors de l’Unix propriétaire. Alors tous le relèguent à l’entrée de gamme comme concurrent de Windows 2000 et de Netware.

‘ Linux représente avant tout un phénomène médiatique et une opportunité à laquelle tout le monde veut s’associer ‘, tient à souligner Don Jenkins, vice-président Unix chez Compaq. ‘ C’est d’abord une formidable plate-forme de développement. Mais pour la production, nous recommandons des environnements qui ont fait leurs preuves ‘, explique-t-on chez IBM. Même Caldera, pionnier de l’Unix libre, minimise les capacités de Linux depuis le rachat de SCO : ‘ On est à des années-lumière de combler le fossé qui rendrait Linux acceptable en environnement critique par les DSI, explique Ransom Love, PDG de Caldera. Linux est idéal pour les serveurs généralistes ou les serveurs dédiés. Mais pour le haut de gamme, nous proposerons Unixware. Un seul noyau ne peut répondre à tous les besoins. ‘

IBM, le plus impliqué dans l’Unix libre

Cette vision à au moins un avantage. Elle ouvre aux constructeurs une possibilité de migration de Linux vers un Unix ‘ haut de gamme ‘. A ce jeu, IBM, très impliqué dans l’Unix libre, se retrouve dans une situation paradoxale. Tout en annonçant l’échéance du projet Monterey, sous la forme d’AIX 5 RL, le constructeur semble s’être fait une règle de porter sous Linux l’ensemble de ses produits, et Linux sur la plupart de ses plates-formes. ‘ Linux est en train de prendre une grande partie du marché, reconnaît Jean-Marc Ferré, consultant chez IBM. Il monte en gamme, à sa vitesse. Une vitesse que personne ne contrôle. Tout ce que nous pouvons faire, c’est de favoriser sa montée en charge. Linux est intéressant en raison de la dynamique d’innovation qu’il entraîne. Et puis, beaucoup de développeurs qui travaillent aujourd’hui sur Linux fabriquent de nouvelles applications pour le commerce électronique. ‘ Pour le commerce électronique, mais pas seulement. Quel que soit le secteur, Linux a écarté la plupart des objections qu’on pouvait lui opposer.

Linux présent sur tous les marchés

Des assistants numériques aux puissantes grappes de serveurs, Linux existe dé-sormais sur tous les segments. A l’instar des constructeurs, les éditeurs se bousculent pour saisir l’opportunité qui se présente. Outre les outils logiciels d’IBM (Domino, Websphere…), les grandes applications commencent à arriver, comme Parallel Server et iAS (internet Application Server) d’Oracle, ou encore la plate-forme d’administration Unicenter TNG de CA. Et les grands déploiements de Linux commencent à se faire plus nombreux. Jean-Pierre Laisné, vice-président de l’Aful, et président de Linbox, une société spécialisée dans le déploiement de solutions Linux, explique : ‘ Les entreprises veulent simplifier la gestion de leurs postes clients. Pour cela, le couple Linux-client léger offre un compromis idéal entre simplicité d’administration, fiabilité et satisfaction des utilisateurs.’ Et de citer comme exemple le deuxième courtier d’assurances en Grande Bretagne, Hill House Hamond, qui a pu déployer 250 serveurs Linux dans ses agences en un mois, sans assistance sur site. ‘ Nous avons pu regrouper sur un seul CD-Rom tous les éléments nécessaires à l’installation, le système d’exploitation, le SGBD, les applications et les pilotes, ‘ précise-t-il. En fait, l’heure n’est plus à se demander si Linux est adapté à l’informatique d’entreprise. L’Unix de référence sur plate-forme Intel est enfin arrivé, mais ce n’est pas celui qu’on attendait.

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Philippe Davy et Anicet Mbida