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Linternet divise les entreprises françaises

Certains l’adoptent sans hésitation, d’autres sont plus méfiants. Une chose est sûre : l’internet divise les entreprises françaises, souvent perçues comme frileuses vis-à-vis de ce nouveau…

Certains l’adoptent sans hésitation, d’autres sont plus méfiants. Une chose est sûre : l’internet divise les entreprises françaises, souvent perçues comme frileuses vis-à-vis de ce nouveau média de communication et de vente. A tort ou à raison ? Le ralentissement de la net économie américaine n’est pas là pour rassurer. Et lorsque Disney ou eToys annoncent la fermeture de leurs portails, qu’Amazon licencie mille trois cents personnes, que les places de marché ou le commerce électronique ne décollent pas, l’inquiétude ne peut que croître.Culturel ou structurel, un certain ” retard ” français est mis en avant par les fournisseurs informatiques. Des chiffres parlent clairement. D’après une étude réalisée par Multilignes pour 01 Informatique (voir le numéro 1615 du 5 janvier 2001, page 6), plus de 80 % des entreprises nationales possèdent un site web. Mais il ne s’agit, la plupart du temps, que d’une déclinaison des plaquettes institutionnelles, dénuée de services transactionnels.

En attente de la croissance du marché

Moins de 20 % des entreprises françaises ont ainsi réellement mis en ?”uvre des projets e-business transversaux – places de marché, gestion de la relation client, commerce électronique B to C. Un manque de volontarisme qui bute, entre autres, sur des obstacles d’organisation, d’adéquation d’offres des fournisseurs, et de conservation de l’existant informatique.Trop tôt, technologiquement risqué, pas assez réfléchi ni organisé, en concurrence interne… Les arguments invoqués par les patrons français sont multiples. Aucun secteur économique – grands comptes en tête – ne sort réellement du lot. Donnés en exemple, les centres Leclerc, la RATP, Lafarge ou le Crédit Agricole montrent que les freins peuvent être, tour à tour, stratégiques, organisationnels, financiers, ou même idéologiques. Dans la grande distribution, Carrefour-Promodès – l’un des premiers partis et des plus avancés – a déjà réduit de 30 % son budget de commerce électronique. Chez Leclerc, l’initiative est renvoyée à plus tard. Début 2000, Michel-Edouard Leclerc jurait qu’il allait lancer un site révolutionnaire. Il a même intégré le centre d’appel tout IP de Cosmocom comme pivot de cette stratégie. Mais, aujourd’hui, cet équipement n’est utilisé que pour le support après-vente des clients traditionnels. Et la présence de l’enseigne se limite à trois boutiques web peu connues, lancées en 1999 : vente de voyages, de bijoux et de jouets. Aujourd’hui, Michel-Edouard Leclerc a revu sa copie : il se lancera quand apparaîtra une croissance significative du marché de la vente sur internet, “[qui] ne représente que 0,1 % du commerce de détail “, se plaît-il à rappeler.En attendant, les franchisés, eux, se sentent pousser des ailes. Le centre Leclerc de Cannes, par exemple, a ouvert son site depuis trois ans. “Notre activité de vente de produits alimentaires, qui a coûté 200 000 francs, est rentable “, se réjouit Philippe Morel, responsable produits informatiques de ce centre. Sa zone de chalandise couvre plus de quarante-cinq kilomètres, et de nouvelles cyberenseignes sont prévues, dont une de bijoux. Chez Gallec, le siège parisien du groupe, ce succès commence à agacer.

Les places de marché, elles aussi sur la sellette

La RATP trébuche aussi dans son passage à l’acte. Mais pour d’autres raisons. Pilotée et initiée par le service commercial, auquel est rattaché le département nouvelles technologies, l’expérimentation de bornes internet en accès libre et gratuit dans les stations est au point mort. La phase expérimentale avait pourtant été une réussite. “Les bornes ont rencontré un franc succès, notamment pour une utilisation de courrier électronique “, s’enthousiasme Jean-Pierre Texier, directeur de la mission nouvelle technologie à la RATP. Mais le service informatique de la régie, auquel incombe la ma”trise d’?”uvre, refuse de partir la fleur au fusil, mettant l’accent sur la complexité et les coûts faramineux d’un tel déploiement. Ce bras de fer interne est l’un des éléments du dossier volumineux des nouvelles technologies, qui se trouve maintenant sur le bureau de Jean-Claude Bailly, le PDG de la RATP. Sera-t-il à même de trancher ?Les places de marché sont aussi sur la sellette. Et, là, c’est de stratégie qu’il s’agit. Lafarge, qui a doté son intranet d’une messagerie mondiale, souffre d’un décalage avec sa filiale américaine, qui a choisi la place de marché Mro. com dès 1999, alors que la maison mère hésite encore. “Hors des Etats-Unis, la présence commerciale de Mro. com est insignifiante. Et il n’y a pas de fournisseurs “, s’insurge Eric Galliet, coordinateur du groupe. Le choix américain est loin d’être anodin.La place de marché Mro. com a, en effet, été développée par l’éditeur PSDI, spécialisé dans la GMAO (gestion de maintenance assisté par ordinateur).

Le minitel encore considéré comme une valeur sûre

Maximo, son progiciel phare, équipe la quasi-totalité des sites de production de Lafarge, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis. La synergie potentielle entre Mro. com et Maximo ne laisse pas indifférent, même chez Lafarge France. “Le poste de maintenance coûte plusieurs dizaines de millions de francs. Et la ma”trise et la simplification des achats permettraient des gains importants, admet Eric Galliet. Mais il faut aussi tenir compte de notre parc progiciel Oracle et J. D. Edwards, qui ont chacun leur propre offre de place de marché.”Le fait que, d’une part, J. D. Edwards et Ariba, et, de l’autre, Mro. com et Ariba aient imbriqué leurs offres n’a manifestement pas convaincu. Dans l’immédiat, Lafarge dit accorder la priorité au lancement d’une place de marché de vente ciblée en aval. Preuve que les bonnes volontés existent pour peu qu’elles puissent aboutir.
Restent les arguments liés à l’histoire. Surtout lorsqu’il s’agit du minitel, encore et toujours considéré par les banques comme une valeur sûre. Au Crédit Agricole, l’harmonisation des choix de technologie des banques en ligne est confiée à l’instance de tutelle parisienne, la CNCA (Caisse nationale du Crédit Agricole). La moitié des caisses régionales s’appuient sur le serveur Irisa de l’éditeur Datamedia. Conçu à l’origine pour des environnements vidéotextes, il est également utilisé pour la diffusion de ses services bancaires sur le bouquet satellite TPS. Sa capacité de montée en charge est pourtant vertement critiquée au sein même de certaines sociétés de services filiales du Crédit Agricole. Selon l’éditeur, ce dernier, qui, pour sa part, refuse de s’exprimer, poursuit le déploiement d’Irisa sur les caisses régionales non encore équipées.

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Samuel Cadogan