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L’innovation technologique pourrait ne plus payer

Les cycles boursiers de la high-tech ont raccourci, constate Mercer Management. Et la valeur s’est déplacée en aval.

Ce qui manque à la plupart des entreprises de haute technologie, c’est une “vista”, c’est-à-dire cette faculté pour un dirigeant d’entreprise à anticiper, évaluer, apprécier l’évolution socio-économique de son marché. Voici l’étonnante conclusion de l’enquête réalisée par le groupe Mercer Management Consulting.En 2001, les analystes américains du cabinet ont entrepris de passer au crible le parcours boursier de plusieurs fabricants de produits manufacturés au cours des deux dernières décades. Rétrospectivement, leur attention s’est portée plus précisément sur le temps écoulé entre le moment où l’action en Bourse franchit 50 % de sa valeur maximale et atteint son plus haut, et celui où elle revient à son point de départ.

Derrière les cycles

Pendant les années quatre-vingt, cette courbe s’étale en général sur cinq ans. Des sociétés comme Digital Equipment, Wang, Tandem ou Control Data se trouvent dans ce cas de figure. Au début de la décennie suivante, ce cycle passe à quatre années, comme en témoignent les parcours boursiers de Cray, Sybase ou Informix. Or, à la fin des années quatre-vingt-dix, la durée de vie considérée passe à trois, voire deux ans si l’on en juge par l’évolution en Bourse de sociétés comme Lucent, Palm ou Novell. Et pour les analystes de Mercer Management, il n’y a guère de corrélation possible entre ces différents parcours et l’évolution globale des cycles boursiers.Le problème est ailleurs. “La progression de chacune de ces valeurs est liée à d’autres paramètres micro-économiques : saturation plus rapide du marché, pression concurrentielle accentuée, innovation techno-logique, changement dans les priorités des clients”, estime Rick Wise, vice-président de Mercer Management Consulting. Et de lancer un avertissement : “Ce problème est devenu crucial pour l’ensemble des industriels des technologies de l’information.” Du moins, pour ceux qui persistent à vouloir fonder leur stratégie uniquement sur le développement et la commercialisation de produits ou d’équipements. Insuffisant pour une création de valeur durable, estiment les analystes de Mercer, qui préconisent un déploiement des activités vers l’aval, à l’image des modèles développés par les entreprises issues de l’“ancienne” économie.En 1991, 44 % du bénéfice opérationnel réalisé par General Electric provient des activités de services et de la vente de produits non liés à l’activité d’origine du groupe. L’an dernier, ce chiffre passe à 67 %. Autre exemple probant, celui d’IBM. En 1993, le constructeur informatique, déficitaire, est en pleine tourmente. Sous l’impulsion du nouveau CEO, Lou Gerstner, ex-président de RJR Nabisco, le groupe décide de développer fortement son pôle services en capitalisant sur ses compétences dans le secteur du logiciel, du middleware ou des équipements. Aujourd’hui, “Big Blue” réalise près de 50 % de son chiffre d’affaires dans ce secteur et est devenu en quelques années la première société de services informatiques dans le monde.

Le bonus du parc installé

Idée sous-jacente : la maintenance, les services financiers, la gestion des pièces nécessitent un investissement moins important tout en dégageant des marges plus élevées et un chiffre d’affaires récurrent. L’activité économique générée par un parc installé est bien souvent cinq à dix fois plus importante que les ventes annuelles d’un nouveau produit, note l’étude du cabinet américain. Une idée bien intégrée par Microsoft. Depuis deux ans, le géant mondial du logiciel développe avec “.Net”?” ou le tout-numérique au sein du foyer ?” une stratégie dédiée à son parc installé.

Le mauvais élève Intel

“L’innovation technologique seule est insuffisante, poursuit Rick Wise, avec des marges bénéficiaires en constante diminution et un avantage marketing de plus en plus limité dans le temps.” C’est pour cette raison qu’Intel, le premier fabricant mondial de microprocesseurs, est épinglé par le vice-président de Mercer Management Consulting : “La firme américaine reste trop focalisée sur ses produits et accorde trop dimportance à la gestion des générations successives de microprocesseurs”, estime encore Rick Wise.Comme ses semblables, Intel doit apprendre à tirer parti de ses actifs intangibles (expertise en financement, maintenance, etc.) dans le but de pérenniser ses relations clients.

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Gilles Musi