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L’information doit-elle rester gratuite sur Internet ?

L’avis de deux fondateurs de sites d’information, l’un gratuit, l’autre payant

Pierre Haski (Rue89) : “ les internautes n’ont pas la culture du payant ”

OuiRue89 a fait le choix du gratuit car nous pensons que le mode de circulation de l’information sur Internet est différent de celui de la presse écrite. La gratuité en est un élément essentiel. Notre principale source de trafic est composée de sites tiers (blogs, réseaux sociaux) qui diffusent des liens vers notre site. Sur Twitter, un tweet sur deux propose un lien vers un article de presse.Cela n’existerait pas avec la barrière de l’abonnement. Les seuls modèles réussis de sites où il faut payer sont les sites économiques, car c’est pour leurs lecteurs un investissement, un moyen de gagner en retour de l’argent. Pour les autres, la difficulté tient dans les mentalités des internautes qui n’ont pas la culture du payant. En revanche, il y a une logique pour les médias historiques comme Le Monde à créer sur leur site des zones payantes, car ils ont des équipes importantes et un autre modèle économique. Et il ne semble aberrant pour personne que de grandes radios ou chaînes de télé fonctionnent sur le modèle de la gratuité, la télévision étant par ailleurs le seul média où la cohabitation du payant et du gratuit est admise sans problème. Avec Rue89, nous proposons une information différente, basée sur un système participatif avec les internautes, qui n’exclut pas, et de loin, la qualité. Les faire payer en plus semblerait incompatible. Mais comme il est impossible de dépendre uniquement de la publicité pour faire vivre le site, nous avons diversifié nos activités. Notre modèle économique est mixte : il allie publicité et services (prestations, formations…).

François Bonnet (Mediapart) : “ le dogme du Web tout gratuit est dépassé ”

NonLe tout-gratuit implique le tout-publicité. La publicité induit des contenus du fait des contraintes d’audience qu’elle impose. Pour Mediapart, nous nous sommes inspirés du modèle Canal+ : une zone gratuite puis le cœur du site en accès payant. Notre postulat est de nous démarquer des sites d’information générale gratuits en proposant un journalisme d’enquête plus anglé, plus polémique, avec un positionnement éditorial fort. Ce qui nous permet d’attirer un vrai lectorat, fidélisé par l’acte d’achat. C’est tout le contraire de la gratuité qui implique une relation lâche avec les lecteurs et un contenu éditorial limité. Partant du principe qu’un média n’existe que par ses lecteurs, et que le journalisme a un coût, une valeur qui ne peut pas être financée par la publicité, il nous a fallu trouver un nouveau modèle économique, basé sur le système d’abonnement. Le Web est un support neutre qui peut autoriser plusieurs modèles, gratuit, d’audience, mixte, ou payant, plus ciblé. Le dogme du Web tout gratuit a fait long feu. Rupert Murdoch, le patron de News Corp. , l’a bien compris en annonçant qu’il souhaitait mettre en place un système de péage sur ses sites d’information. Un quotidien papier vendu 1,20 euro et qui se retrouve gratuitement sur le Web, ça n’a plus aucun sens. Nous récupérons un lectorat en déshérence, qui a abandonné le journal papier mais qui est prêt à payer si l’offre rédactionnelle sur Internet le satisfait. Les abonnés de Mediapart peuvent également contribuer à l’information par le biais du Club, un lieu de débat et de création qui regroupe un millier de blogs.

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Frédérique Crépin