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Licenciés pour avoir dénigré leur direction sur Facebook

Deux salariés passaient devant les prud’hommes après avoir été licenciés à la suite de propos tenus sur Facebook. Mais la justice n’a pas réussi à statuer sur leur cas.

Sur Facebook, qu’est-ce qui est public et privé ? Vos « amis » peuvent-ils être considérés comme des relations privées ? Pouvez-vous vous moquer de votre chef sur le réseau social ? Ce sont toutes ces questions que soulève une affaire de licenciement impliquant deux salariés de la SSII Alten. Ils passaient devant les prud’hommes ce jeudi matin après que leur employeur les a eu licenciés pour cause de propos offensants tenus sur Facebook.

Et le flou est tel entre le public et le privé, sur le réseau social, que les conseillers aux prud’hommes n’ont pas réussi à trancher ! Une prochaine audience, avec un magistrat professionnel pour assister les conseillers est envisagée d’après l’AFP.

L’affaire remonte à décembre 2008. Trois salariés d’Alten se connectent à Facebook depuis leurs domiciles respectifs et se mettent à discuter. La conversation en vient aux critiques envers leur direction et un responsable des ressources humaines. L’un des trois interlocuteurs poste sur son « mur » Facebook un message ironique disant qu’il fait partie du « Club des néfastes ». Les autres lui répondent « Bienvenue au club ».

Tout cela se déroule entre « amis ». Or, un quatrième salarié, lui aussi « ami » au sens Facebook du terme, et ayant à ce titre accès aux échanges de ses collègues, réalise un copier-coller des propos et les transmet à la direction d’Alten. Cette dernière décide alors de licencier les trois personnes pour dénigrement et incitation à la rébellion. L’un d’eux accepte une transaction à l’amiable mais les deux autres contestent le licenciement en saisissant les prud’hommes. Or, ceux-ci n’ont pas réussi à décider qui avait tort et qui avait raison.

Pas d’ambiguïté pour la messagerie

Cette affaire renvoie aux débats sur le respect des correspondances privées par l’employeur, mais il est ici complètement perturbé par la nature même de Facebook. « Sur les réseaux sociaux, il faut avoir un compte et on communique dans un cadre restreint qui peut sembler privé, explique Thibault Grouas, consultant au Forum des droits sur l’Internet. Mais il y a beaucoup de monde sur Facebook, et cela peut justement atténuer l’aspect privé. Une grande partie de la communauté peut avoir accès à ce qui est posté sur votre mur. Là-dessus, la jurisprudence est muette ». En revanche, il n’y a aucune ambiguïté pour ce qui transite par la messagerie : c’est privé.

De plus, la direction d’Alten n’a pas eu accès aux propos de ses salariés en allant elle-même scruter Facebook, encore moins en piratant les comptes. Elle a été prévenue par un autre salarié qui, lui, avait accès de manière tout à fait légitime à la conversation de ses collègues.

« Une correspondance privée ne peut pas être utilisée par un employeur, rappelle Thibault Grouas, en référence à l’affaire Nikon de 2001 qui a généré cette jurisprudence. Mais si une tierce personne est destinataire de cette correspondance, elle peut ensuite en faire ce qu’elle veut. Et cela peut être retenu contre les expéditeurs du message originel ». En attendant, les deux salariés restent bel et bien licenciés.

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Arnaud Devillard