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L’Icann à la dérive

Du départ anticipé de son président au vote de défiance des DNSO (Domaine Name Supporting Organization), en passant par les pétitions d’associations et les lettres de protestations de parlementaires, ces jours-ci le ” gouvernement de l’Internet ” n’est plus que l’ombre de lui-même.

Le roi est nu (ou presque). Avec la démission annoncée de son président Stuart Lynn et le départ, le 1er juillet prochain, de son vice-président, Andrew Mc Laughlin, l’avenir de l’ Icann (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) n’a jamais paru aussi compromis.Pour beaucoup, l’organisme chargé de la ” gouvernance ” de l’Internet a failli à sa mission. En 1998, l’Icann s’était vu attribuer par le ministère américain du Commerce la gestion du ” serveur racine américain ” et des extensions de noms de domaine de premier niveau en .com, .net et .org.Au fil du temps, l’Icann avait également décidé, avec un bonheur tout relatif, de créer sept nouvelles extensions. L’opération, censée remettre un peu d’ordre et de confiance dans la gestion des adresses Internet, a tourné au fiasco commercial et juridique.Par ailleurs, souvent critiquée pour l’opacité de sa gestion, la corporation avait consenti à organiser, à l’automne 2000, la première élection mondiale par Internet. Avec ce scrutin, l’Icann devait gagner en représentativité, notamment grâce à l’élection de neuf nouveaux membres au sein d’un ” Comité At Large “.Or, en mars dernier, coup de théâtre. A l’occasion d’une réunion de la corporation à Accra (Ghana), son président, Stuart Lynn, proposait de revenir en arrière en supprimant la représentation, issue des urnes pour la remplacer par un nouveau conseil d’administration trié sur le volet et composé principalement d’hommes d’affaires et de représentants du gouvernement américain.Ce revirement avait déjà à l’époque entraîné un courrier de protestation de différents membres du Congrès, adressé au secrétaire d’Etat au Commerce, Don Evans. Les parlementaires y dénonçaient le déficit démocratique grandissant de l’Icann.” On en sait plus sur l’élection du Pape par les cardinaux que sur les affaires internes de l’Icann “, déplorait alors l’un d’entre eux, Edward Markey, un représentant démocrate à la sous-commission des télécommunications et d’Internet de la Chambre, cité par le site InternetNews.com.

” II ne reste sans doute plus grand chose de l’Icann, en tant que force fédératrice… “

La semaine dernière, face à la contestation montante, Stuart Lynn annonçait son départ anticipé, en conclusion d’un conciliabule dont les dirigeants de l’Icann ont le secret. Car la fronde ne s’arrête pas à quelques protestations officielles, mais couve au sein même de l’organisation. L’assemblée générale du DNSO (Domain Name Supporting Organization), une instance où sont représentés les gestionnaires de noms de domaine nationaux, a voté pour une nouvelle mise en concurrence des attributions de l’Icann par le gouvernement américain.Ce vote de défiance (148 voix contre 54) coïncide avec une pétition lancée récemment à l’initiative de 13 associations américaines (dont l’ ACLU [American Civil Liberty Union], la CFA [Consumer Federation of America] et l’ EFF [Electronic Frontier Foundation]). Ce texte exige que les compétences, actuellement dévolues à l’Icann, soient soumises à appel d’offres en septembre 2003.L’Icann n’agit pas ” comme un organisme de “gouvernance” pour le bien public, mais comme un système d’autorégulation des forces du marché, donc une arène où s’affrontent les intérêts de divers groupes de lobbying “, commente, pour sa part, Loic Damilaville, dans la dernière édition de la newsletter de DNSNewsPro.Pour le consultant spécialiste de la question des noms de domaine, “il ne reste sans doute plus grand chose de l’Icann, en tant que force fédératrice, mais elle a le mérite d’exister comme ultime rempart contre le chaos, en attendant que ce soit réalisée “la refondation”. ” Une refondation qui s’annonce plus que jamais nécessaire…

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Philippe Crouzillacq