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L’expérimentation d’Ardoise, logiciel de fichage policier, est suspendue

Face à la polémique, la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, veut se donner le temps de la réflexion.

Première publication le 16 avril 2008

Ardoise, le logiciel de fichage policier au c?”ur de la polémique

La Cnil interpelle la ministre de l’Intérieur et demande des précisions sur les informations stockées dans un fichier de police en test.

Il y a eu l’histoire de l’adresse e-mail mise en place par
la police du Var pour signaler des délits. Il y a maintenant le logiciel de police recensant des données sur le mode de vie
et le profil des personnes. C’est le logiciel Ardoise (Application de recueil de la documentation opérationnelle et d’informations statistiques sur les enquêtes), qui doit remplacer l’actuel logiciel de rédaction de procédure (LRP) et le Stic
(Système de traitement des infractions constatées). Et c’est la polémique du moment.Après avoir été dénoncé par le Collectif contre l’homophobie, il fait l’objet d’une demande officielle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), qui a adressé un courrier à la ministre de l’Intérieur, Michèle
Alliot-Marie. La Cnil a en effet été saisie par trois associations, le Collectif contre l’homophobie, les Oubliés de la mémoire et l’association des policiers gays et lesbiens, Flag, ainsi que par le président de la Haute Autorité de lutte contre
les discriminations et pour l’égalité.Le président de la Cnil, Alex Türk, tient notamment à signaler que la mise en ?”uvre d’un tel outil ‘ ne peut être autorisée que par un décret en Conseil d’Etat pris après avis de la
Cnil ‘.
Ce qui apparemment n’a pas été le cas. Or, Ardoise est actuellement en test au service central de la documentation criminelle de la police d’Ecully, dans la banlieue de Lyon, et doit être déployé en mai prochain. Un
plan de formation est en route depuis le dernier trimestre 2007.

Homosexuel, permanent syndical, drogué, handicapé…

Ce sont justement des policiers en formation qui se sont alarmés de ce qu’ils ont découvert et ont averti syndicats et associations. Ardoise comprend une rubrique intitulée ‘ Etat de la personne ‘ qui permet
d’entrer dans le fichier si une personne venue déposer est handicapée, homosexuelle, permanent syndical, si elle fréquente des prostituées, si elle fait usage de drogue, etc. Et cette rubrique vaut quel que soit le statut de la personne :
victime, témoin ou mis en cause. ‘ C’est une rupture fondamentale avec les pratiques précédentes, estime-t-on au Collectif contre l’homophobie. Cette rubrique n’existait pas dans les logiciels précédents. Jusque-là, on
qualifiait les faits, les infractions. Là, on s’intéresse au profilage des personnes. Quel intérêt, pour quelqu’un qui vient déclarer un vol de véhicule, de savoir s’il est permanent syndical ou homosexuel ? ‘
Dans le
droit français, cette approche ne concerne que les prévenus faisant l’objet de poursuites judiciaires.En outre, signale le Collectif, ce fichier est mutualisé. Tous les policiers, partout en France, peuvent avoir accès aux données saisies avec Ardoise. Pour sa défense, le ministère de l’Intérieur a publié un communiqué où il affirme de
manière un peu floue que les données ne seront pas saisies automatiquement, que ce sera fonction de l’enquête et des liens avec l’infraction.Plusieurs syndicats de policiers ont réagi eux aussi. Dans un communiqué, Alliance juge qu’Ardoise est une ‘ avancée dans la gestion quotidienne des procédures par un traitement plus efficace et plus rapide des
infractions,
mais demande que toutes les mesures soient prises afin de garantir le respect à la vie privée des personnes mises en cause ou victimes ‘. Le syndicat demande des améliorations et le respect
des recommandations de la Cnil.Même position chez Unsa-Police, où l’on estime que ‘ certains renseignements demandés dans la rubrique “Etat des personnes” ne sont pas indispensables ‘. En revanche,
Synergie-Officiers estime la polémique ‘ stérile ‘. Pour ce syndicat, le problème, c’est surtout que le système est ‘ techniquement obsolète ‘, les
logiciels ‘ dépassés ‘ et que tout cela a été mené trop ‘ hâtivement ‘ sans associer suffisamment les policiers au développement.

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Arnaud Devillard